La tribune-Le Matin
19 octobre 1983
- concerts du 17 octobre 1983 au Théâtre de Beaulieu à Lausanne -

2e gala francophone à Beaulieu
Un dadais nommé Sheller
(par Aimé Corbaz)


Deuxième et dernière soirée, lundi au Théâtre de Beaulieu, du Gala francophone de la Foire suisse de la musique. Version bis d’une ambitieuse et louable entreprise visant qualité et pluralisme. Mais est-ce bien possible ? Souhaitable ? Nenni. L’honorable bâtisse se prête peu à un festival et son infrastructure — causons moderne — n’offre pas les meilleures conditions possibles à un spectacle. Eclairages et sonorisation réclament du temps, des professionnels compétents, or...

Pourvu que Bob ou Robert (c’est selon) Jambey puisse mettre du haschisch dans ses tartines, c’est l’essentiel. Sa prestation n’a rien d’original et ses textes se morfondent dans d’abyssales et incompréhensibles sonorités. Christiane Stefanski propose un spectacle plus personnel. Sur des rythmes rock ou folk, elle chante, au milieu de ses cinq mâles musiciens, sa « féminitude » et sa « belgitude ».
Mais voici venir Sébastien Santamaria, le roi du décibel. Avec son groupe, son matériel. Et sa casquette qui, peut-être, dissimule des tampons auriculaires. Trop c’est trop, mais passé le palier d’une relative surdité, on ne peut qu’apprécier d’incontestables richesses d’écriture. Santamaria poursuit une intéressante recherche de timbres et la plupart de ses musiques prennent de superbes colorations.
Vedette de la soirée, William Sheller apportait un je-ne-sais-quoi de rodé, de poli, de fini. De formation classique, il est musicien jusqu’au bout des ongles et s’il s’amuse, sur scène, à jouer au grand dadais mal dégrossi, il compose des morceaux d’une étrange délicatesse. Il s’attaque au néo-classicisme — très apprécié par ailleurs — avec une page qu’exécute le quatuor à cordes l’accompagnant : Le petit Schubert est malade. Ses textes traduisent une poésie et une naïveté enfantine qui n’ont d’autres prétentions que celles de faire rêver mais un seul danger guette Sheller : ne plus savoir faire autre chose que du Sheller !