Bonne Soirée N°3104
7 au 13 août 1981

Pleins feux sur...
William Sheller



« La musique est l’art de décorer le silence des autres mais il ne doit pas exister une seule manière de le faire. Pas de limites, pas de chapelles ! Peu importe que l’inspiration vienne du classique, du rock ou de la variété. Un compositeur vraiment contemporain doit tenir compte aussi bien de la musique de la rue que de celle qui est dans les livres. Il doit s’intéresser à toutes les cultures, toutes les formes musicales et surtout ne pas se couper du monde, des gens, de la vie. Certains veulent voir dans cette démarche le choix de la facilité. Quelle erreur ! En gardant bien entendu, toujours comme souci principal, la qualité. Il est beaucoup plus difficile d’être un musicien accessible qu’un génie incompris ! Je crois également qu’il faut le plus souvent possible injecter une bonne dose d’humour à la musique. C’est bien souvent ce qui lui manque le plus ! »
Ceci est presque la profession de foi de William Sheller, auteur, compositeur, pianiste, orchestrateur et interprète, et qui, très joliment, définit le tout en se nommant « décorateur du silence ! »
William Sheller fait partie de ces artistes qui font, dans le métier du disque, l’unanimité autour d’eux, mais qui n’ont pas encore réussi à  réellement conquérir le grand public, malgré quelques succès radio. Cela est du en grande partie au fait que jusqu’à présent William Sheller faisait très peu de scène. Cela va changer bientôt, car un ballon d’essai fut lancé un soir à Bobino, il y a quelques semaines, et le triomphe que remporta William l’a bien décidé à remonter vite sur une scène. Ce concert fut en effet remarquable et l’on découvrit que William Sheller n’était pas seulement un homme de studio et de disque très brillant, mais aussi un homme de scène chaleureux et plein de charme.
William est né à Paris le 9 juillet 1946 d’un père américain et d’une mère française. Son père, contre-bassiste de jazz, l’initie à la musique. « Les amis de papa s’appelaient Dizzy Gillespie, Kenny Clarke, etc. La maison était toujours bourrée de musiciens. Par mon grand-père, je m’initiais au concert classique et à l’opéra, car il était décorateur au Théâtre des Champs-Elysées et à l’Opéra. J’ai donc grandi entre le classique et le jazz, ces deux genres cohabitant chez moi avec la plus belle harmonie. A 10 ans, j’ai manifesté le désir d’apprendre le piano : personne ne s’est évidemment opposé à ce souhait. »
A quinze ans, William compose ses premières pièces et abandonne le lycée pour approfondir ses études musicales. Il apprend la composition, l’orchestration, l’harmonie, le contrepoint. « Je n’avais jusqu’alors pas été touché par le phénomène du rock, mais un album des Beatles, Help, fut une révélation pour moi, un choc immense. J’ai abandonné d’un coup mes études classiques et je me suis mis à étudier, analyser et apprendre cette nouvelle forme d’expression musicale qui me passionnait. »
Au cours des années suivantes, il gagne sa vie comme arrangeur et compose entre autres My year is a day et la musique du film Erotissimo. En avril 1975 sort le premier album de William Sheller, qui chante pour la première fois. Succès immédiat avec Rock'n'dollars, qui sera suivi par Photos-souvenirs, Les Machines à sous, Dans un vieux rock’n’roll.
« Je travaille énormément sur mes albums. Si depuis 78 je n’en ai enregistré que quatre, c’est parce que je tiens à ce que tout soit le mieux possible. Je recommence autant de fois qu’il le faut, mais il faut que le résultat me plaise. »
William Sheller, le perfectionniste « décorateur du silence », sort un nouvel album en octobre, et il ne serait pas surprenant, si l’on en croit Jean-Michel Boris, le directeur de l’Olympia, qu’on le retrouve un peu plus tard sur une grande scène parisienne.