L'Impartial
14 juin 1980

William Sheller : une musique du présent
(par Denis Laffont)

 

Le cheveu ras, la cravate fine et les tennis blanches, William Sheller joue à la perfection les anticonformistes (en apparence du moins) du petit monde de la chanson. Pourtant « il ne dérange pas ». 
Loin s’en faut d’ailleurs car, fort de ses douze années de métier, il a beaucoup bourlingué et appris. Pourtant, malgré une somme d’expériences somme toute très enrichissantes, il n’est pas un maniaque du 30 cm. En tout et pour tout quatre disques, dont le dernier (Nicolas –Philips 9101291–) commence une belle carrière dans les hits radiophoniques ne serait-ce qu’avec des titres comme Oh ! je cours tout seul et Fier et fou de vous.
Loin de nous le compositeur barbu et chevelu qui, il y a dix ans, offrait une merveilleuse symphonie classique (Lux æterna) sympathique tentative de jonction entre le pop et le classique.
Depuis, Sheller a pensé une musique plus contemporaine, une sorte de rock symphonique populaire. Au hasard de ses recherches des « tubes »  qui ont vraiment bien marché pour lui (à commencer par le fameux Ketchup) et de nombreuses demandes de collaboration.

Innover et créer

Pianiste, orchestrateur, auteur, compositeur et interprète, William est devenu pratiquement un vieux « baroudeur » dans le métier. Pourtant, à 34 ans, il a encore beaucoup de choses à dire et à faire :
« Je veux produire de jeunes artistes. J’avais tenté l’expérience déjà avec Capdevielle (profitant d’ailleurs du succès de "Kechup") et j’ai l’intention de recommencer. Je vais produire des groupes et d’autres chanteurs. J’ai d’ailleurs dans mes "tiroirs" une jeune chanteuse de Marseille qui, je le pense, deviendra très vite un nom dans le métier. Elle s’appelle Charity et enregistrera son premier disque durant l’été ».
Travaillant pour les autres et pour lui-même, William reste un fanatique d’expériences et de recherches musicales. Mêlant adroitement tout ce qu’il a acquis depuis plusieurs semaines avec de nouvelles idées, il est arrivé à un résultat original et varié. Son dernier album comporte ainsi deux instrumentaux (Promenade françaiseLe petit Schubert est malade) extrêmement travaillés sur le plan technique :
« On m’avait tellement encouragé à travailler avec des musiciens américains, que je ne me suis rien refusé. J’ai pris ceux d’Elton John et de Bob Dylan. Pour le "Petit Schubert", il y a même quelques solistes de l’orchestre philharmonique de Los Angelès, c’est vous dire… Pourtant je reste persuadé que pour créer et innover il y a autant (sinon davantage) de talents en Europe et dans les pays francophones. Le tout est de faire confiance à de jeunes artistes et à ne pas toujours penser "musicos" américains. Mon prochain album sera beaucoup plus français… »
William a donc en projet une symphonie moderne qu’il travaillera tout spécialement avec les musiciens français. Pour lui, cependant le rythme des tournées et des concerts d’été risque de retarder un peu cette intéressante expérience.
« Pour créer, il faut être loin d’une ville comme Paris. Dans la capitale, on passe la plupart du temps en circuit fermé les amis du showbiz, les radios, les passages de télévision etc…Certes, c’est indispensable pour un artiste, mais il faut aussi prendre du recul pour créer en toute tranquillité. »  
En attendant, William propose à tous d’écouter les très bons titres de Nicolas. Pour lui tout va bien, même si les producteurs de télévision regrettent un peu ses passages trop rares et même si les cinéastes lui reprochent d’avoir travaillé uniquement pour deux films (Retour en forceErotissimo).
« Je ne suis pas du genre vorace », conclut-t-il. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’aura pas l’occasion d’apprécier à nouveau une bande sonore de William dans un prochain film. A moins que sa symphonie d’avant-garde ne lui prennent tout son temps.