Déjà douze ans de carrière. Des musiques de films (Erotissimo, Retour en force, de Jean-Marie Poiret avec Bernadette Lafont et Victor Lanoux). Une apparition (trop brève) sur le grand écran (deux minutes dans L’œil du maître, un film de Stephan Cairk, sorti du circuit huit jours à peine après la première. « Et en plus je portais la barbe »). Quelques passages (trop rares) à la télévision,William Sheller refait surface. Avec son quatrième album, Nicolas, une cravate, des chaussures de tennis, des cheveux raccourcis au maximum et des idées plein la tête. Il est venu nous voir, l’autre jour, à Toulouse, pour nous raconter un peu sa vie, « un peu boogie-boogie sur les bords », et nous parler de ses projets, de la musique, de ses rêves.
William Sheller est né à Paris, le 9 juillet 1946, et très tôt, dès l’âge de 10 ans, il a manifesté le désir d’apprendre le piano. Et c’est parti comme ça : comme sur des roulettes. Parce qu’il avait aussi la chance d’avoir un père passionné de jazz et grand ami de Kenny Clark et de Dizzy Gillespie. Parce que son grand-père, décorateur au théâtre des Champs-Elysées et à l’Opéra, lui a fait connaître l’envers du décor mais également Mozart, Wagner, Berlioz, Chopin, Rameau et Stravinsky. Résultat : le jour, William Sheller compose ; la nuit, il rêve d’opéra, d’émissions de télévision « sans smoking, avec tout juste un tonneau et une paire de bretelles », de spectacles grandioses et visuels (« la vidéo c’est l’avenir de la musique »), de rencontres étonnantes.
« Je reviendrai bientôt à Toulouse, nous a-t-il confié, parce que je sens que la province regorge d’esprits créatifs et parce que j’ai envie d’y monter des spectacles. A Paris, on passe la plupart de son temps entre les maisons de disques, les radios, les plateaux de télévision, les soirées entre copains du showbiz. Et, finalement, ce rythme de vie ne m’intéresse pas du tout. On a, bien sûr, besoin de faire des disques pour se faire connaître, mais ça ne suffit pas. Ce petit monde-là, c’est pas fait pour la création ».
Avant de venir nous voir, William Sheller s’est arrêté quelques jours à Nantes et à Bordeaux. A Nantes, pour étudier la possibilité de donner un concert avec l’Orchestre philharmonique de la Loire. A Bordeaux , pour travailler pour le festival annuel de Sygma. Lorsqu’il a découvert la capitale du bel canto et sa Halle aux grains, il a laissé son vieux Rock'n'dollars, ses bretelles et son tonneau dans sa chambre d’hôtel. Pour nous faire écouter Promenade française et Le Petit Schubert est malade. Les deux instrumentaux de son album. Et pour nous donner une idée de son principal objectif : continuer longtemps ce genre de petits chefs-d’œuvre et surtout partager l’aventure le plus tôt possible avec nos meilleurs musiciens.
- « Ceux de l’Orchestre du Capitole par exemple ? »
- « Pourquoi pas ? J’ai enregistré mon disque à Los Angeles, en compagnie des musiciens d’Elton Jonh et de Bob Dylan. On me rabattait tellement les oreilles avec les "musicos" américains. J’ai même réalisé Le Petit Schubert avec les solistes de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles. Mais je reste persuadé que nous avons également, en France, d’excellents instrumentistes. Et particulièrement dans le Midi. »
- « Vos autres projets immédiats ? »
- « Produire de jeunes artistes. J’ai profité du succès de mon "Ketchup" pour tenter l’expérience une première fois. Avec Capdevielle, notamment. Et puis il est parti enregistrer ailleurs. Dans des conditions qui lui convenaient mieux. Maintenant, je vais produire des groupes et d’autres chanteurs. Je compte d’ailleurs beaucoup sur la carrière d’une jeune chanteuse de Marseille, "Charity". Je lui ai signé un contrat "propre". Avec de saines garanties et des chansons sur mesure. Elle enregistrera son premier 45 tours cet été. »
Juste pour « décorer le silence des autres ».