Azimut magazine N°1
octobre 1977

Vibrations
William Sheller ne patauge pas dans le ketchup
(par Goliath)




Depuis Rock'n'dollars et Photos-Souvenirs, en deux ans son nom a grossi sur les affiches. William Sheller est même carrément devenu une vedette. Se voir tout d’un coup admiré, adulé, plébiscité après vingt ans de musique (William a 31 ans, il a commencé jeune…) ça doit faire un drôle d’effet, non ?
« Azimut », par la voix de son vaillant reporter Goliath, votre serviteur, a coincé le personnage à la sortie de « Basket », l’émission de Jean-Loup Lafont sur Europe1. Voici ses réflexions autour d’une tasse de thé dans le troquet d’en face.

- Goliath : « Te classes-tu parmi les chanteurs de variétés ? »
- William Sheller : « Je n’aime pas ces étiquettes : un musicien exprime ou n’exprime pas ce qu’il a au fond de lui ; c’est une affaire de talent et de sincérité, que tu fasses du rock, du jazz, de la musique de chambre ou de la chanson de variétés. »

- « Faire un tube en France, cela signifie souvent employer une recette pour gagner de l’argent, ça n’a plus grand-chose à voir avec la création musicale. Est-ce difficile de rester sincère avec toi-même ? »
- «  Avant de ma lancer réellement dans la chanson, j’ai fait de la musique sérielle, de la musique dodécaphonique, bref de la musique de recherche. Mais toute intéressante qu’elle soit, cette musique n’est pas populaire, elle est difficilement compréhensible.
Il est très important pour un musicien d’avoir un public et de se confronter à lui. Avec un tube, je l’ai ce public, et il est nombreux. Je fais une musique plus simple, mais c’est toujours ma musique, avec le succès en plus. Je fais un pas vers le public, le public fait un pas vers moi, et à chaque nouveau disque (un par an, régulièrement au mois de mai), j’essaie d’évoluer en même temps que lui pour lui faire découvrir les nouveaux aspects de ce que j’aime composer et écrire. »

-  « Penses-tu que la chanson française a trouvé une nouvelle voie (et une nouvelle voix !) avec cette génération de chanteurs à laquelle tu appartiens ? »
- « Je crois que depuis les années 60, la musique française a connu un "trauma" américain : elle a été étouffée par la culture anglo-saxonne et l’intensité de ses productions. Mais je suis optimiste. Depuis trois ou quatre ans, s’est formé un noyau de chanteurs français qui ont une grande audience : Alain Souchon, Nicolas Peyrac, Patrick Juvet, Michel Jonasz, Gérard Manset, Laurent Voulzy, et j’en passe. Nous formons une "bande" et c’est un levier puissant pour redonner à la chanson française son originalité et son indépendance. »

- « Quels sont tes projets immédiats ? »
- «  Une tournée de deux mois dans toute la France en novembre avec Paris au bout de la route en décembre, et bien sûr (comme d’habitude) un nouvel album en mai prochain. »