L’évènement a été remarqué. Dans le petit monde des variétés l’ère du changement a commencé en cette fin d’avril avec un 30 cm « pas comme les autres ». Il s’agit de celui que William Sheller et Alain Suzan (leader du groupe Alice) viennent d’enregistrer chez Philips. Ce disque d’une qualité exceptionnelle est la rencontre de deux courants. L’un, c’est Sheller, autrement dit la musique classique. De cette rencontre est née cette merveilleuse synthèse : onze titres remarquables (Rock’n dollars – La maison de Mara – La fille de Montréal – Une fille comme ça –Laisse-moi tout seul – Oncle Arthur et moi – Photos souvenirs – Comme je m’ennuie de toi – Les machines à sous – Hit-parade Lady – Savez-vous ?) et surtout une nouvelle forme musicale dont la signification n’a pas fini de faire école.
Du classique à la pop
William Sheller, c’est le type même de l’antivedette. Sa vie, il la raconte avec des partitions et des sentiments. Loin de l’actualité, des hits-parades, il travaille pour lui, et un peu pour les autres. On se souvient du My year is a day des Irrésistibles. On se souvient aussi de la musique du film Erotissimo, et plus encore de ce merveilleux Lux æterna, symphonie que William avait composée pour deux amis, en guise de cadeau de mariage.
« Je ne veux pas être une vedette étiquetée, confesse-t-il. Depuis ma plus tendre enfance, j’ai marqué un goût profond pour l’anticonformisme et l’indépendance. D’ailleurs, je n’étais pas comme les autres. Lorsque je suis né, j’avais une tête de forme de poire. Mes parents me prénommèrent William, non sans humour. Il fallait donc que le ciel se remette de la partie pour me donner une tête normale avec une petit "bosse" musicale… »
Entre les USA et la France (un père américain et une mère française), William va faire son apprentissage musical. Son père qui est contrebassiste, lui fera découvrir le jazz. Mais, de retour en France, William, grâce à son grand-père, décorateur au Théâtre des Champs-Elysées et à l’Opéra de Paris, s’initiera au répertoire le plus classique qui soit :
« Entre Kenny Clark, Dizzy Gillespie, Chopin, Rameau ou Stravinsky, je n’avais que l’embarras du choix pour faire mes premières armes. A dix ans, je prenais mes premières leçons de piano et à quinze ans, je composais mes premières pièces. J’étais en marge. Loin des études et des mathématiques, je m’initiais à la composition, à l’orchestration et à l’harmonie musicales. Et puis, un jour… J’ai rencontré une autre musique, en écoutant Help des Beatles. Pour moi, ce fut "le grand tournant". »
William va donc étudier très scrupuleusement ce nouveau courant musical qui s’appellera Pop-music. Puisant dans le répertoire des Stones, des Who ou des Beatles, il s’aperçoit, en musicien qu’il est, que la musique classique comme la pop sont des musiques populaires, mais qu’il faut les unir pour déboucher sur une musique plus contemporaine, dont l’audience et la signification seront plus vastes encore. Dès lors, pour lui, un horizon nouveau va s’ouvrir.
Ce petit quelque chose qui manquait
S’imposant de plus en plus comme compositeur et arrangeur, William a le temps suffisant pour travailler son idée. Fort d’une culture musicale très classique, il souffre de son inexpérience en Pop music. Il lui manque ce petit quelque chose…
« Ce petit quelque chose ce fut pour moi Alain Suzan, le guitariste du groupe Alice. Alain était à l’extrême de mes aspirations. Il souhaitait revenir au classique, et moi je voulais connaître le Rock et la Pop. Nos idées se soudèrent de façon instantanée. Après quelques heures de conversation, nous étions convaincus qu’il fallait créer une nouvelle forme musicale qui serait une sorte de synthèse de Pop et de Classique. Aujourd’hui, nous venons de terminer ce disque, qui, je l’espère, sera bien accueilli par le public. ll s’agit d’une musique pour tous sans exception… et je précise, il s’agit bien sûr, d’une musique très populaire et dont les sources absolues viennent du populaire… »
Alors… écoutez William Sheller, c’est tout ce qu’il vous reste à faire !