Télérama
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24 mars 2016

Les disques rayés/
Le blog musique de François Gorin

William Sheller (1),sauvé par les cordes
(par François Gorin )


William Sheller est un garçon qui n'aime pas la foule. Il l'a signifié dans plusieurs chansons, dont Je cours tout seul. Pour faire son jogging peinard, mieux vaut éviter les sentiers battus. Programmé pour le prestige du classique, William prit un jour la tangente pop. Il œuvra d'abord dans l'ombre en composant pour Les Irrésistibles (des Américains de Paris) un tube international, My Year Is A Day  –ma grande sœur avait le 45 tours–. Nourri de rock importé autant que de Ravel et Fauré, mais au fond très français, Sheller connut le succès avec un genre de blague à deux balles, Rock'n'dollarsDonnez-moi Madame s'il vous plaît… » etc.). C'était en 1975, il avait bientôt trente ans, le train des Souchon-Voulzy-Jonasz lui filait sous le nez, il était grand temps de passer aux choses sérieuses. Vint l'heure du piano-voix, à la Barbara – l'un de ses modèles et sa marraine –, qui lui confia les arrangements de La Louve. Puis celui du quatuor à cordes. En septembre 1984, William Sheller se produit sur la scène de l'Olympia. Avec lui, deux violons (Jeannot Gillis et Jacqueline Rosenfeld), un alto (Wiet Van de Leest), un violoncelle (Claudine Steenackers) : le quatuor Halvenalf. Sur la pochette de l'album live subséquent, ils sont baignés d'un méchant rose fluo. Ce qu'ils apportent aux airs ciselés de Sheller vaut mieux que ça. Presque tous y gagnent. Et la plupart m'étaient inconnus avant d'écouter cet album. Je n'étais pas à l'Olympia, mais pour moi, William Sheller y naît. Il chante J'suis pas bien, d'une voix cotonneuse et juvénile, blues garçon fait ritournelle avec,  au milieu, cette coquetterie dans le texte : « paraît qu'les journaux parlent d'un chanteur jamaïcain, j'en sais rien… » La chanson a dû être écrite en mai 1981, à vue de nez. L'original est arrangé reggae. Les mélodies de Sheller ont la force de l'évidence et une forme d'élégance qu'on trouve rarement dans ses tenues vestimentaires. Et il y a beaucoup de musique dans son piano.

à suivre…