Hasard des programmations, deux sexagénaires portant beau ont fait  l'autre semaine le bonheur du public mulhousien : 65 ans au compteur tous les  deux, carrières pareillement prolifiques. 
        
Dans des genres opposés, le goût des mots et le talent  toujours vivace les rassemblent, Bernard Lavilliers et William Sheller.
Piano solo, textes et musiques dans leur plus simple  appareil, à peine quelques effets de lumière : William Sheller s'est produit au Théâtre de la Sinne, écrin parfois  inconfortable mais prestigieux, parfait en tout cas pour cet orfèvre.
Deux heures de rêverie poétique, de flash back musical, de  souvenirs... Entamé tranquillement avec Je  cours tout seul, le concert en deux parties allait décliner tous les joyaux  de son répertoire. Nicolas, Les filles de l'aurore, Maman est folle, Le carnet à spirale, A  franchement parler, Fier et fou de  vous...
Des chansons aux mots aussi intenses que leurs mélodies, toujours singulières,  parfois étranges, jamais redondantes : un patrimoine.
Chanteur du spleen et des mélancolies, des intimités familiales et des amours à  l'arrache, « diseur » magnifique,  selon le terme de Barbara qui le poussa jadis à chanter. Merci à elle.
Sheller, c'est du miel, du baume au cœur, un cataplasme. Comme un  fil rouge, il dévoile, bavard et chaleureux, les racines de ses chansons. Puis  se plonge, se noie dans son piano : ils sont au diapason, tous deux de noir  vêtus.
Sheller en solitaire, 65 ans et cette allure toujours  juvénile. Un homme heureux fait un public heureux... 