Le Soir
24 décembre 2008

Le vrai monde virtuel de William Sheller
(par Thierry Coljon)




Bienvenue dans le Second Life version Sheller. Avec un avatar animalier avant les concerts retour aux sources au Théâtre 140.

 
William a beau s’offrir une tête de chien sur son nouvel album, celui-ci lui ressemble comme deux gouttes d’eau. A la fois électrique et symphonique. Rencontre avec celui qui n’a pas oublié Bruxelles.

- Thierry Coljon : « La pochette rappelle les hommes à tête de chien du Bruxellois Thierry Poncelet ou les fruits et légumes d’Arcimboldo… »
- William Sheller : « Moi, je me suis inspiré d’un peintre américain, Travis A. Louie, qui fait des portraits originaux mais à l’acrylique. Tu dirais des photos. C’est hallucinant. J’ai choisi ça comme avatar. »

- « Tout l’album tourne autour du concept lié au monde virtuel d’internet et des jeux vidéo, avec ses avatars… »
- «  Ça fait plus de quinze ans que je suis sur internet. J’ai un avatar, je me promène sur les pages des uns et des autres, en quête de créativité. Je ne trouve rien, je ne suis pas convaincu. L’album fait entrer les gens dans un monde avec des personnages et des promesses bidon bien entendu. Car tous ces mondes virtuels sont limités aux logiciels qui les gèrent. On ne peut pas vraiment faire de l’utopie. Curieusement, les gens qui rentrent dans Second Life et les machins comme ça, n’ont qu’une envie, c’est refaire exactement ce qu’il y a dans la vraie vie. D’acheter des terrains, des maisons… A croire que l’homme est incapable d’utopie. Imaginons que ce soit fait par des philosophes, avec une introspection dans l’être humain. Pour voir ce qu’il en sortirait. Au lieu de ça, tu mets ta photo, ton MP3, ton Mickey… C’est pour les gosses. Ce qui m’énerve, c’est l’infantilisation du truc. »

- « Musicalement, on trouve de nombreuses allusions aux Beatles. Comme si ce disque était à la pop ce qu’Albion était au rock, en plus réussi ici… »
- « On l’a fait à fond. Dominic Miller, le guitariste de Sting, est même allé me chercher des sonorités à la George Harrison. Pourquoi se priver ? Du cor anglais, il y en a eu avant Sgt. Peppers et du mellotron aussi. Est-ce qu’on va se priver de piano à cause de Chopin ? On m’a dit qu’on dirait un best of de Sheller avec des nouveaux titres. Ce qui n’est pas faux. Albion m’avait échappé. Ici, il y a des zigzags entre l’électrique et le symphonique. »

- « Malgré le thème sur le monde virtuel, on sent dans ce disque l’amusement, la joie de vivre, la sérénité… »
- «  Ça, c’est ce dont je ne parle pas dans le disque. C’est ce rétablissement d’une vie de famille bousculée, qui a repris sa place. C’est une renaissance. Avec des racines réelles. J’ai appris plein de choses à la mort de ma mère. L’avenir est là, allons-y. Avec un je-m’en-foutisme. Moi, j’aime aider les gens à avoir une joie de vivre au quotidien. Plutôt que de taper sur Sarkozy ou de s’engager. Ça servirait à quelque chose, le monde serait différent, non ? »

- « Au début des années 80, vous avez vécu à Bruxelles. C’est un bon souvenir ou s’agissait-il surtout de fuir des problèmes à Paris ? »
- « C’était une bonne époque au départ. J’étais en quête d’un éclectisme et d’une ouverture d’esprit que je ne trouvais pas à Paris. Ça me manquait. J’aimais les fêtes spontanées, joyeuses, sans ce côté forcé. Quand j’ai compris que j’étais mal représenté et qu’on s’était servi de mon nom pour faire des manipulations frauduleuses, ça commençait à être moins drôle. Sinon, j’ai beaucoup aimé Bruxelles. »

- « Les trois concerts au Théâtre 140 nous rappellent cette époque. »
- « Oui, et ce n’est donc pas pour des raisons économiques. Le télescopage avec le disque qui devait sortir plus tôt n’était simplement pas prévu. Ça fait plus d’un an que je voulais revenir avec mon piano au 140, voir Jo Dekmine et cet endroit où tout a commencé. Un vrai retour aux racines, comme le disque finalement. Un vrai giron. La tournée avec orchestre - mon groupe belge - est prévue dans la foulée. D’abord en Chine en avril puis les théâtres en automne et les festivals d’été en 2010. »

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- En concert au Théâtre 140, du 26 au 28 mars.
- Album Avatars (Mercury-Universal).