La Voix du Nord N°19538
(Edition de Lille)
31 mars 2007
-Concert du 30 mars 2007 au théâtre Sébastopol de Lille-

Hier à Lille, l'élégant William Sheller a fait chanter une ville et un piano
(par Christian Furling)

 

«Je vous emmène dans ce que raconte un piano», souffle William Sheller. L’élégante créature du Sébastopol a, dit-il, le ventre qui chante. Pudique mais généreux, l’artiste distille les récits complices. Et possède le lapsus heureux. Evoquant la quête des théâtres en tournée, il lâche : «On cherche le piano centre-ville.» Et hier, la ville, il l’a effectivement fait chanter.


«Je suis rentré à pied sous le matin clair… Et toi qui vit dans ton imaginaire, il serait bien que tu comprennes enfin qu’il n’y a rien à faire, car lui ne t’aime pas… »
Pureté sur la scène du Sébasto. Le grondement du piano noir, le ruissellement allègre et un rien mélancolique des mélodies, et la voix douce et claire. Tant de limpidité chez un William Sheller arrimé à son navire à cordes, seul sous le ciel de ses chansons où flottent des volutes teintées.
Tant de limpidité que l’on sait le travail de l’épure sans le percevoir jamais. Déferlement des notes, galop du temps qui fuit et de l’âme qui tressaille. C’est un peu répétitif mais qu’importe. La délicatesse est telle, et si grands les soucis de vérité et de précision, si pleinement offerts tous ces instants où le chanteur nous guide avec, parfois, de la redondance. Ces instants sont fraternels et font profondément du bien.
Ils ont la grâce de vibrer pour toujours. Maman est folle, à nous étrangler la gorge. Il y a des «jours dans le ciel de lit». On se sépare dans le plus émouvant apaisement. Toujours, les amours sont passées. «J’ai le mal du cœur en altitude dans l’immensité de mon ciel d’aimer.» La confession est complète, mais d’absolue délicatesse. Et quand il reprend, aux rappels tonitruants d’une salle à l’écoute parfaite, le somptueux Un homme heureux, la voix de William est bouleversante de félures.

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Notes du site : les citations de passages de chansons dans cet article étant des plus approximatives, voici le vrai texte :

* Loulou :
"Je suis rentré tranquille à pied sous la nuit claire/Et toi qui vit toujours dans ton imaginaire […] Ce serait bien que tu comprennes maintenant qu’il n’y a plus rien à faire […]/ Loulou ne t’aime plus…" 
* Les machines absurdes :
"J’ai le mal du cœur en altitude/Dans l’immensitude/ De mon ciel d’aimer."