Epok
23 décembre 2005

Ecouter. Spécial coffrets CD/DVD
William Sheller a trouvé son bonheur

(par Olivier Nuc)

 

«Cette intégrale, on a passé un an et demi dessus. On est allés fouiller dans des cartons, on a retrouvé des vieilles bandes qu’il a fallu restaurer centimètre par centimètre», raconte William Sheller, qui célèbre aujourd’hui ses trente premières années de carrière avec le coffret Chemin de traverse.
Une somme qui permet de réhabiliter le compositeur exigeant et souvent audacieux qu’a souvent éclipsé le trousseur de tubes faciles. «J’ai fait Rock’n’dollars pour rigoler et ça m’a suivi pendant des années», souffle-t-il, déplorant qu’on l’ait pris au premier degré. Ce qui ne l’a pas empêché d’être pris au sérieux en tant que musicien : récemment, le producteur de hip hop Dan the Automator a samplé quelques mesures de son Lux aeterna, édité aujourd’hui pour la première fois en CD. «Depuis trois ou quatre ans, les Japonais sont tombés sur cette messe hippie que j’ai composée au début des années 70, dont les pressages originaux se vendent une fortune aux Puces de Tokyo.», déclare Sheller, incrédule.
Ce franco-américain, qui a choisi la nationalité française pour ne pas combattre au Vietnam, ne s’imaginait pas interprète avant que Barbara lui souffle : «Tu devais chanter». Chanteur réticent, pour qui l’écriture de textes est une «grosse souffrance», Sheller n’a jamais laissé le succès commercial le détourner de son exigence. «Il s‘agit de savoir pour quel boulot on est fait. Quand on écrit et qu’on s’occupe de la réalisation de ses albums, on n’a pas le temps de faire du people».
Sheller a emprunté plusieurs chemins, quitte à faire fausse route comme Albion, un album rock enregistré outre-Manche comme antidote au triomphe d’Un homme heureux. «Quand on fait les choses, il ne faut pas les faire à moitié. Je suis trop sauvage pour ne pas avoir fait des choses farfelues pendant ces trente ans. Je suis curieux de nature. J’ai envie d’emprunter à la musique du XVIIe ou à la musique japonaise, aussi bien qu’à la chanson et au rock.»
Venu à la scène sur le tard, William Sheller revisite actuellement son répertoire, à la fois avec un quatuor de jeunes instrumentistes classiques et une formation à dix-huit. Une manière de ne pas se laisser enfermer dans le rôle de pianiste-chanteur estampillé qualité française. A la fois léger et grave, concerné et détaché, William Sheller paraît avoir réussi sa mission : être un homme heureux. «Je me fous de ne pas faire partie des dix chanteurs les plus cités par les Français. Je fais mon petit truc dans mon coin. Tout va bien.»

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Chemin de traverse, William Sheller, 19 CD et 1 DVD Mercury/Universal.