L'Est-Eclair/Libération Champagne
29 octobre 2005
-Concert à l'Espace Argence de Troyes, 27 octobre 2005-

Sheller fait donner les violons
(par Rodolphe Laurent)

 


Espace Argence comble jeudi soir au concert de William Sheller, pour l’occasion accompagné par le Quatuor Stevens. Un concert de ceux qui rendent le public heureux.


Millimétré : un mot qui qualifie parfaitement le concert de William Sheller jeudi soir à l’Espace Argence. Avec lui l’heure c’est l’heure, pas de quart d’heure de grâce pour les retardataires, et à
22 h 32 les lumières se sont éteintes. Du coup, ça a un peu patiné dans le hall, une petite file s’est formée, certains ont raté le morceau d’ouverture, mais tout est très vite rentré dans l’ordre. Sheller préfère contrôler la situation, éviter les imprévus…Et quand le bruit d’un appareil-photo le gêne, il ne tarde pas à le faire remarquer à l’importun –poliment, bien sûr-. Finalement c’est aussi bien. Spontanéité calculée et qualité vont souvent de pair.
Qualité : un autre terme qui sied fort bien à un artiste qui fête ses trente ans de chanson, comme le temps qui passe. «Pour débuter ce concert une petite ouverture (instrumentale). C’est Nicoletta qui m’avait conseillé de toujours commencer ainsi. C’est pratique, le public peut prendre le temps de regarder les musiciens, de constater que j’ai pris un coup de vieux, que je suis plus petit qu’à la télé», lancera-t-il d’emblée. Manière sympathique d’établir un contact chaleureux avec la salle. En n’oubliant pas au passage d’évoquer son précédent passage en ces lieux, c’était il y a huit ans, «son» Grand Choral.

L’odeur de poireau
Assis au piano, accompagné par une section de cordes, le remarquable Quatuor Stevens (trois violons et un violoncelle), William Sheller a revisité ces trente années de carrière dont la richesse n’a d’égale que l’exigence. De chaque chanson ou presque il évoque d’abord la genèse, les circonstances qui l’ont amené à coucher les premiers mots sur un morceau de papier et les premières notes sur son piano. Ainsi Cuir de Russie est née de la découverte d’une carte postale publicitaire des années 20 dans un livre pris au hasard dans la bibliothèque d’une maison qu’il louait pour les vacances. Pour Nicolas, c’est autre chose, un souvenir désagréable, celui de l’odeur de poireau qui s’échappait de chez Yvonne…
Des Filles de l’aurore (sa chanson la plus enlevée… et la plus applaudie) aux Orgueilleuses (en hommage à Barbara) en passant par ses titres les plus populaires (une version «bricolée» du Carnet à spirale, Un homme heureux et Dans un vieux rock’n’roll lors des rappels), William Sheller a donné le meilleur de lui-même jeudi soir, enthousiasmant les connaisseurs, les mélomanes, aux anges lors des instrumentaux exécutés de mains de maître par le quatuor (Baba Yaga par exemple).
Comme annoncé, Michel Jonasz était dans la salle, et Sheller l’a salué avec un blues (Un archet sur mes veines). Jonasz et Sheller : deux représentants d’une chanson française encore pleine de vigueur au milieu d’un océan de marketing.