Keyboards/Home studio N°197
mai 2005

William Sheller en concert
Une tournée sans fil qui traîne !


INTERVIEW.
Si le dernier opus de l’un de nos plus fameux compositeurs français a été réalisé dans un esprit des plus minimaliste (cf.KB/HS N°192), il semble que William Sheller ait eu envie d’être moins « en solitaire » pour sa série de concerts hexagonaux. En effet, ce ne sont pas moins que 18 musiciens qui l’accompagnent sur scène, pour une formation plus classique que jamais ! Jugez plutôt : quatre violons, deux alti, deux violoncelles, contrebasse, flûte, basson, cor anglais, bugle, clarinette et saxophone. Seule concession rock’n’roll, le tryptique batterie, basse, guitare.
Mais s’il est connu (d’après certains articles de magazines) que William Sheller s’adonne aux technologies musicales de pointe, pourquoi diable s’entoure-t-il d’autant de musiciens ? On pourrait se dire : « Ne serait-il pas plus logique et surtout plus simple de mettre tout ça dans un bon set de synthétiseurs plus ou moins virtuels ? » Ce serait mal comprendre l’univers baroque et complexe dans lequel évolue ce compositeur d’exception. Ce serait un peu comme lire la partition de Symphoman sans entendre les notes ni ressentir la nuance des altérations.
Même s’ils ont une certaine ressemblance physique, il ne faut pas non plus confondre William Sheller avec Vince Clark. Le fait que le plus français des deux utilise un logiciel d’écriture musicale n’a rien à voir avec la programmation d’un modulaire ! Alors, au final, musiciens classiques d’un côté et technologies modernes de l’autre, sont-elles antinomiques ? Qu’en est-il de mettre l’ingénierie du XXIe siècle au service de la musique ? Est-il censé de continuer à croire qu’un ensemble classique ne peut jouer que dans un salon Louis XV devant un parterre un peu coincé ? Comme on a longtemps (pour certains qui se trouvaient intelligents) opposé l’analogique au numérique, doit-on faire l’étonné lorsqu’on entend Excalibur magistralement interprété, juste avant Rock’n’roll dollar ? Le plus simplement du monde, les artisans de cette rencontre inévitable ne semblent même pas se poser ces questions ; c’est tout dire !

Nicolas Stevens : 1er violon et chef d’orchestre
Nicolas Stevens est un jeune musicien belge (comme une bonne partie des musiciens de la tournée) de 31 ans. Cela peut sembler étonnant car, sans vouloir être irrespectueux, il n’est pas de la même génération que William Sheller…Mais si on jette un coup d’œil sur son curriculum vitae, il ya de quoi être impressionné : « Grande distinction » de musique de chambre,  « Distinction » de violon, collaborations avec Alain Bashung, Yann Tiersen, Miossec, Craig Armstrong (!), Led Zeppelin (!!), Ray Charles (!!!), pour ne citer qu’eux...Nicolas a débuté sa carrière en 1998 avec Philippe Lafontaine (Cœur de Louououp) et a directement enchaîné avec la précédente tournée de William Sheller en 2000-2001.
Ce n’est donc pas un hasard si William Sheller a de nouveau fait appel à lui. En effet, « William considère l’orchestre comme une entité » me dit Nicolas. « Il préfère déléguer. Pas question pour lui de s’adresser directement à tel ou tel instrumentiste. William compte sur moi pour faire passer les messages. Je ne suis pas non plus à proprement parler "le chef d’orchestre". Les arrangements et les partitions sont déjà écrits. Ce n’est pas comme avec Miossec, où je m’occupe des arrangements de cordes. L’ambiance est également très différente de celle des concerts de Yann Tiersen. Pour William, sur scène aucun câble ne doit traîner. C’est le contraire de Tiersen qui adore le désordre, pour lui facteur de créativité. William est un véritable puriste qui apprécie depuis longtemps de travailler avec des musiciens belges ; il aime l’entente presque familiale qui règne entre nous. »

Laurent Buisson : ingénieur du son façade
Laurent Buisson utilise une console numérique Yamaha PM5D pour gérer toute la distribution du son jusqu’à sa diffusion dans la salle. Les entrées sont utilisées pour les instruments « rock ». Les sous-groupes pour les instruments « classiques » qui arrivent de la console « micros H-F ». En insert, un superbe compresseur-égaliseur Avalon 737. Seulement quatre des huit processeurs internes de la PM5D sont utilisés pour des réverb. Il faut dire que, lorsque je demande à Laurent ce qu’il fait avec la TC Electronic S 6000, il me répond, amusé, qu’il ne sait plus trop si elle sert à quelque chose…

Gilles Meignan : ingénieur du son retours
Gilles Meignan me fait visiter la scène où j’ai remarqué un superbe piano Yamaha. Alors que je l’interroge sur « l’absence de micro », il m’explique que le piano est équipé d’un système optique-MIDI « Diskclavier » et attaque un expandeur. Je vais carrément lui faire démonter une partie de la scène (ne le répétez surtout pas) pour savoir de quelle machine il s’agit. C’est un viel E-mu Proformance ; William Sheller préfère le toucher et les sensations que lui procure l’instrument. Un accord à 441 Hz (1 Hz de plus que le La 440 habituel) finira de préparer l’instrument du Maestro. « De temps en temps, il arrive que les deux sons (acoustique et expandeur) se décalent, me dit Gilles, mais c’est tout de même assez au  point. On installe des vibreurs sous le batteur, le bassiste et le guitariste pour qu’ils sentent bien les retours. De mon côté, je contrôle le signal par ma carte-son dans le PC. »

Denis Chevassus : assistant H-F
Denis Chevassus peut être considéré comme une sorte de bêta-testeur. Il est en effet le premier à utiliser ce système sans fil pour une tournée en France ! Sans être totalement nouveau, le Trantec S 600 apporte un vrai « plus » par rapport aux systèmes « classiques ». C’est le point de départ de toute l’organisation des micros. Le seul instrument câblé (avec des fils donc)  reste la batterie. Tous les autres sont en H-F ! Le cœur du S 6000 est un PC en rack comprenant huit cartes ; une par voie. La configuration comprend ici 3 unités pour un total de 24 voies. L’ensemble est intégralement piloté par logiciel. Chaque jour, avant de commencer son travail de mise en place, Denis Chevassus doit scanner les fréquences disponibles. En effet, depuis que la TNT (Télévision Numérique Terrestre), émet sur nos ondes, la bande de fréquences allouée à la H-F en a pris un bon coup dans les gencives ! Evidemment, personne ne s’étant préoccupé de cet aspect technique, la bande TNT est en plein milieu de celle qu’utilisent tous les sytèmes de micros H-F. Une nouvelle fois, messieurs des Grands Ingénieurs : « Bravo » ! Heureusement, le S 6000 intègre un scanneur performant et, après un balayage complet, Denis pourra affecter les fréquences encore disponibles à ses micros H-F. Tout se fait à la souris et en temps réel ; un vrai bonheur…Il est également possible de préparer ses réglages sur un petit logiciel, Palm OS.Votre assistant numérique portable (PDA pour ceux qui en ont un) va enfin pouvoir servir à autre chose qu’à noter vos rendez-vous chez le dentiste ! Bien sûr, le PDA et le PC sont synchronisables (via infrarouge). « Les micros sont relativement standard, me dit Denis, mais il a fallu les adapter à chaque instrument et les musiciens "classiques" n’étaient pas habitués. Seul le micro de William est différent ; c’est un Sennheiser avec une capsule Neumann. »