Ouest-France
(édition de Brest)
29 mars 2005
-Concert au Quartz de Brest, 26 mars 2005-

Un concert d'anthologie au Quartz pour un bon millier de spectateurs
Quand le bonheur s'appelle Sheller



Il chante « Je veux être un homme heureux ». Sans doute l'est-il de temps en temps, comme chacun. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il sait rendre son public heureux. Le concert de samedi soir au Quartz restera dans les mémoires de tous ceux qui l'ont accompagné pendant deux heures et demie.

Chanteur, musicien, chef d'orchestre... mais aussi conteur, amuseur, metteur en scène de la soirée qu'il propose au public, William Sheller est tout cela en même temps. Petit bonhomme vêtu de gris, silhouette gracile, mais voix chaleureuse et puissante. Seul au piano d'abord, puis entouré de dix-huit musiciens, pas un de moins, une guitare, une batterie mais surtout des cuivres rayonnants et des cordes comme s'il en pleuvait...

Pour fêter ses trente ans de chanson, Sheller reprend celles qui ont marqué sa carrière, celles dont tout le monde se souvient encore. Il raconte comment il les a fabriquées. Nicolas, par exemple, c'est à cause de sa voisine Yvonne, originaire de Plouézec près de Paimpol, qui empuantissait (au moins à ses yeux !) l'escalier de l'immeuble des odeurs de sa soupe de poireaux : c'est à elle que ses parents le confiaient quand ils sortaient... Ou bien Photos-souvenirs, où il a cherché à imiter le vibrato de Véronique Sanson. « J'ai bricolé un ancien tube pour le chanter avec les souffleux de l'orchestre », annonce-t-il ensuite avant d'entraîner avec lui son sextet à cordes pour une interprétation éblouissante et déambulatoire du Carnet à spirale. Un saxo très rock star et un bugle inspiré pour Oh ! J’cours tout seul. Une ambiance hindoue, un ensemble basson, flûtes, cor, saxo et trompette pour Rock’n’dollars

Avec Sheller, abondance de biens ne nuit jamais ! Et ces violons excessifs, ces violoncelles excités, ces contrebasses enchantées vous étreignent, vous emportent. Lyrisme des orchestrations, tapis chatoyants de lumière qui enveloppent les musiciens de nappes or, violettes, pourpres... l'excès est de mise. S'il fallait choisir une époque à Sheller, ce serait celle du «baroque» entre ampleur et épure. Époque dont il est, plus de deux siècles plus tard, un superbe héritier, un artiste qui fait de ses chansons et musiques d'aujourd'hui un art majeur.