Ouest-France
(édition de Caen)
24 février 2005
-Concert au Zénith de Caen, 22 février 2005-

William Sheller : un homme et un public heureux


 

Le Zénith a abrité, mardi, la première étape de la nouvelle tournée de William Sheller et de ses musiciens à l'occasion de ses 30 ans de chanson. Un concert qui a affirmé la sérénité lumineuse de l'artiste à travers des orchestrations somptueuses et inspirées pour un public véritablement touché par la grâce de sa personnalité.

« Les touches du piano correspondent à des couleurs, (comme les voyelles chez Rimbaud), je compose un portrait : Symphoman. » Un autoportrait pour William Sheller. Ample ensemble gris beige, coupe au bol, mains musiciennes il amorce ainsi à Caen la première étape de sa tournée en province consacrée à ses 30 ans de succès musicaux. Vingt-six morceaux tous réorchestrés qui susciteront trois rappels, pas tous attendus.

Sous des éclairages monochromes ses 18 fidèles et excellents musiciens vibrionnent autour de lui lorsqu'il n'est pas seul au piano. Une formation d'instruments rocks et classiques pour des compositions inattendues comme Excalibur, véritable concentré d'un opéra rock chevaleresque avec cors et trompettes et qui laisse le dernier mot aux violoncelles. Un orchestre capable de passer d'une ironique solennité de cour royale pour le Nouveau monde  à un mysticisme hindou générateur de transes avec Darjeeling.

De longues plages musicales sur presque toutes les chansons donnent à cet ensemble l'occasion d'exprimer son talent. Chacune d'elle est aussi l'aubaine pour un instrument de venir se produire en soliste : la flûte sur Indies, le violon avec Les filles de l'aurore et même le basson sur To you. Une attention qui va aller jusqu'à « bricoler une orchestration pour les souffleux » (des instruments à vent) à partir du Carnet à spirale, peut-être la plus dénudée de ses chansons, la plus intime quand il redécouvre « son bonheur à l'encre bleue ».

Chaque interprétation est généreusement amorcée par « son secret de fabrication » : la recherche d'accords, la pose du « la », tout simplement, une observation d'apparence anodine, un souvenir d'enfance dans une tendresse qui ne veut pas s'avouer.

Les compositions plus récentes comme Mon hôtel évoquent en piano voix la solitude des paysages urbains, toujours avec une même grande pudeur.

La salle, longtemps sage, comme admirative, respectueuse même, va se libérer en retrouvant le rythme jazzy et le violon amoureux de Fier et fou de vous. Puis le texte sonore et la trompette altière de celui qui affirme : « Je veux être un homme heureux. » Né d'un cauchemar, l'époustouflant Oh ! J’cours tout seul accentué au saxo infernal va provoquer une véritable ovation, comme une libération, le public n'hésitant pas à donner du rythme Dans un vieux rock and roll.