L'Est républicain
9 février 2005

Il est libre William
(par Jean-Paul Germonville)



Jusqu'au 12 février, Sheller est aux Folies-Bergère pour fêter ses trente ans de carrière avec orchestre, après un album en solitaire aujourd'hui disque d'or.


- "Vous êtes accompagné de dix-huit musiciens !"

- "Pour beaucoup, nous n'en sommes pas à la première tournée ensemble. On a une vraie cohésion. Je ne parlerai pas d'orchestre mais d'un grand groupe. L'ensemble de l'équipe d'ailleurs, entretient des rapports privilégiés, plus proches de ceux qu'ont entre eux les gens de théâtre que du showbiz. Il n'y a pas de «Monsieur Sheller». On se tutoie. C'est le «tu» du compagnonnage et tout le monde est embarqué dans le même bateau."

Avoir un répertoire

- "Une ambiance loin de votre réputation de solitaire."
- "Je le suis mais dès qu'il s'agit de la scène ! Vous savez, j'ai eu un grand-père qui était un ancien compagnon charpentier. Il m'emmenait sur les plateaux de théâtre, je l'ai vu travailler avec les techniciens. On ne trouvait pas de hiérarchie, de choses comme ça. Quand vous partagez une tâche avec des gens suffisamment intelligents, chacun prend son poste, demeure attentif à l'autre. A partir de 19 h 30, je suis aux ordres du régisseur. Il décide de l'instant de mon entrée en scène. Je sais qu'il existe des artistes qu'on va chercher au bistrot un quart d'heure avant..."

- "Vous vous installez dans votre loge combien de temps avant les trois coups ?"
- "Si c'était possible, j'y serais dès midi. En tournée, j'arrive pour déjeuner avec les techniciens alors que les musiciens ne sont pas encore là. L'intendance nous suit et elle est bonne. On leur doit bien ça. Quand le concert est terminé, ils démontent, prennent la route et réinstallent dès 9 h dans la salle suivante tout le matériel."

- "Une ambiance qui a bercé votre enfance !"
- "Un rêve de gosse ! Quand mon grand-père m'emmenait au Théâtre des Champ-Elysées, à l'Opéra, je n'avais envie que d'une chose, me retrouver sur scène. J'ai mis longtemps avant de m'y aventurer, j'attendais d'avoir du répertoire."

- "Vous avez choisi de faire un cadeau à votre public en vous produisant aux Folies-Bergère ?"
- "J'ai fait sept fois l'Olympia et pas mal de salles dans Paris. Les Folies-Bergère constituent, disons, une façon de marquer mon petit anniversaire des trente ans de chanson. L'endroit est tellement baroque, il se prête à des récits, des histoires... pas seulement à des spectacles avec des plumes. On m'a offert les mémoires d'un ancien directeur, Derval. Il raconte depuis les débuts en 1869. Je découvre des anecdotes extraordinaires."

- "L'inspiration vient entre autre de vos lectures ?"
- "Bien sûr ! Je lis beaucoup... pas des romans. Ce qui est complètement fictif ne m'intéresse pas. J'aime le vécu. Des récits où on retrouve le réel d'autres époques. J'adore Colette parce qu'elle a toute une histoire, de théâtre d'ailleurs. Je suis comblé avec ce bouquin de Derval. Un de ces vieux livres pour lequel il faut couper les pages pour les ouvrir... ça fait des petites miettes dans le lit."

Les règles anciennes


- "De cette curiosité pour le passé viennent des chansons comme «Le nouveau monde»."
- "Pourquoi une chanson se situerait de façon urbaine et aujourd'hui ? J'en ai écrites qui se passent au Japon, un peu partout. C'est bien, ça permet de naviguer. Il n'y a qu'un postulat : raconter des histoires, d'aujourd'hui bien sûr. Mais pourquoi ne pas imaginer des évocations d'autres temps, avec les musiques des époques concernées. J'aime le XVIIème siècle, une passion pour Louis XIV, l'architecture de son temps, les travaux réalisés pour de petits appartements abritant les intrigues. Lors de mes études de composition, on a travaillé sur les règles anciennes. Alors pourquoi ne pas les réutiliser ?"

- "Dans ce domaine, votre parcours est des plus originaux."
- "Une impression. De tous temps, les compositeurs ont travaillé sur tout. Il n'y avait pas de catégories classique, variété. Mozart écrivait des musiques jouées dans les cabarets. Schubert a composé des chansons qu'interprètent aujourd'hui des grosses dames habillées dans des rideaux. On ne se rend plus compte. Un gros fossé s'est creusé. Pourquoi au nom de la modernité, je renoncerais à toutes les mélodies qui me passent par l'oreille ?"

- «Epures» (Mercury).
- William Sheller en concert au Zénith de Nancy le 9 mars, à Besançon Micropolis le 10.