L'Hebdo
2 décembre 2004

Pianoman nous joue douze Epures sublimes
(par Isabelle Falconnier)



Il s'appelle William, William Hand, dit Sheller à cause de Mary Shelley qui écrivit Frankenstein et il nous convie au tête-à-tête le plus troublant de notre histoire commune, lui, ce Tintin lunaire au regard perçant, et nous, à le regarder danser et chanter depuis toutes ces années. Seul dans sa maison de Sologne, William Sheller se met à nu dans douze Epures emplies de solitude et de cantates généreuses, d'amours déçues et de rêves miraculeux. Cinq ans après les sophistiquées Machines absurdes, dix ans après le volcanique et rock Albion, c'est un retour au Sheller en solitaire d'Un homme heureux.

Pas plus gai, ni plus insouciant, mais allégé, délavé comme l'océan au petit matin. La voix plus touchante que jamais de sa légère fêlure, de ses accents un peu suppliants, un peu désabusés. Une voix qui chante ici le soir qui tombe, le soir qu'on n'aime pas, "Parce qu'encore un jour s'en va dans l'ombre / Et mes amours sont loin". Il a tout fait, tout composé, de l'électronique à la musique symphonique en passant par les quatuors classiques, les musiques de films ou les concertos pour trompette, mais sait revenir mieux que personne à ce presque rien qui fait tout.Quelques mots imbriqués, quelques notes, une mélodie, un Univers.

Les mélodies coulent, amples, volubiles, planantes, et "Il est loin déjà, il ne pense pas revenir bientôt / Il va sous la pluie qui nourrit le monde". Il a une passagère clandestine dans la tête, "Une poupée aux airs moqueurs, au curieux rire de petite fille en pleurs". Loin d'être monacal, le duo homme-piano prend des allures lumineuses et sensuelles. En huit nouvelles chansons, trois instrumentaux et une reprise des Machines Absurdes, le fan des Beatles, ami de Barbara, Mister Rock'n'dollars, homme orchestre bientôt sexagénaire, bête de scène improbable entre Mozart et Elton John va à l'essentiel avec l'intelligence des gens revenus de tout. "On partira ce n'est qu'un geste à faire…"