Le Parisien
5 novembre 2004

CD
William Sheller, tout simplement
(par Sébastien Catroux)



Il a quitté Paris et l’avenue Mozart pour la Sologne. Du coup, William Sheller, 58 ans, donne ses rendez-vous dans une brasserie de Montparnasse, près d’un hôtel où il a ses habitudes. Quatre ans après avoir tâté de l’électronique avec Les Machines absurdes et une petite année après avoir livré un disque pour quatuor à cordes, le chanteur est de retour avec Epures. Un CD à contre-courant, enregistré chez lui en formule piano-voix. Rencontre avec un ermite.

- Le Parisien : « Vous avez réellement travaillé tout seul sur Epures ? »
- William Sheller : « J’ai quand même collaboré avec le réalisateur Yves Jaguet. C’est lui qui se démène, en ce moment, avec les gamins de Star Academy pour essayer de les faire chanter en place. Il souffre, le pauvre. »

- « C’est allé plus vite avec vous ? »
- « Pas vraiment. Lorsque l’on décide d’enregistrer tout seul au piano, soit on va dans un studio, avec un instrument qu’on ne connaît pas, et c’est très froid ; soit on travaille chez soi, pour la chaleur. J’ai tout enregistré en direct à la maison, sur mon propre piano. Il a ses petits défauts mais je sais les utiliser et y planquer les miens. La simplicité de cet album marque une rupture avec les précédents… J’ai eu envie de me nettoyer les oreilles. Un peu comme lorsque l’on fréquente les grandes tables et que l’on a subitement faim d’une petite grillade. Il n’empêche que j’ai encore une fois beaucoup transpiré sur les textes. Le français est une langue musicale mais compliquée. Alors je pique partout : dans Léo Ferré, Paul Valéry, Anna de Noailles… »

- «  Vous sentez que le retour à la simplicité est dans l’air du temps ? »
- «  Y’en a marre des gueulardes québécoises et des trucs surproduits avec des pauvres mômes qu’on maltraite. Exemple : le titre Chanson d’automne (NDLR : premier single du CD), m’est venu dans un petit restaurant du côté de La Baule. Ils y passaient un album de Jeanne Moreau et je me suis dit que ça pourrait sortir aujourd’hui. En fait, j’écris des chansons comme j’aimerais en entendre à la radio. »

- « Ce que vous y entendez ne vous plaît donc pas ? »
- «  Ça se réfère encore et toujours aux années 1960 et 1970. Moi quand j’ai commencé, il y avait une envie de nouveau… Quant à la télé, ces agitations me font penser à Ringo et à Sheila. Ce sont des émissions faites par des vieux, avec des jeunes coachés par des tâcherons. Heureusement, personne n’est dupe. »

- « Ça vous inquiète ? »
- « Je ne me sens ni révulsé ni en danger. Il faut juste montrer qu’il est possible de faire les choses différemment. Je n’ai jamais couru après la mode et je me tiens simplement à cette devise : «Une pendule arrêtée donne l’heure exacte deux fois par jour».

--------------
Epures : brillant  ***

Il y a quelque chose de magique dans l’interaction entre la voix et le piano de William Sheller. Comme des courants souterrains qui laissent présager, sur scène, de futurs arrangements luxuriants. Choisissant dans ces douze Epures le dénuement total, Sheller n’en est que plus brillant. Il se fait souvent austère, aussi, lorsqu’il livre au fil de cet album trois titres instrumentaux. Mais les chansons sont là, entre la délicate Chanson d’automne,  l’enflammée Elvira et une relecture des Machines absurdes.
William Sheller, Epures (disques Mercury). Prix :15 E. En concert du 2 au 12 février aux Folies-Bergère à Paris.