La Liberté
1er octobre 2004

Avec un répertoire si riche, Sheller ne pouvait que s'amuser
(par Vincent Chobaz)
-Concert piano-solo à la salle CO2 du village de Bulle, commune de La Tour-de-Trême (Suisse), 29 septembre 2004-


Seul au piano, William Sheller "tient" sans difficulté une salle de la taille de celle de La Tour-de-Trême. Huit cents personnes applaudissent debout.

Il s'est installé au piano, comme on s'assied dans le salon, au sortir d'un repas précieux mais mesuré. Sans s'avachir sur le coussin. La pièce était grande. Ils étaient 800 à y avoir trouvé place. Alors, il leur a dit « Bonsoir », a bu un peu d'eau, ajusté ses lunettes, et puis il a commencé à chanter. En face, ils l'ont écouté avec le respect poli et un peu soumis qu'on réserve aux gens illustres.
Très vite, William Sheller a su qu'il allait lui aussi passer une belle soirée : l'espace de Symphoman – le premier titre d'un concert qui durera près de deux heures– et l'imposant vaisseau CO2 n'était déjà plus qu'un modeste boudoir, borgne de surcroît, dans lequel tout le monde était assis juste à côté du piano, à la meilleure place. Plus rien ne viendrait désormais interférer entre Sheller et les siens. La promiscuité a du bon parfois.

Chansons en première
Pourtant, cette salle si volumineuse, cette scène démesurée... par quel tour de passe-passe le chanteur-pianiste a-t-il fait rentrer La Tour-de-Trême dans une bouteille avec tant de facilité ?

Lorsqu'on a à son répertoire des chansons aussi belles que Basketball, Des Miroirs dans la boue, Maman est folle, et bien vingt autre titres que la francophonie entière est capable de sussurer dès les premiers accords lâchés, évidemment, ça aide. Si au milieu de tout ça, William Sheller vous gratifie en bonus de chansons jamais interprétées en public jusque-là – un album est attendu à fin octobre– ça flatte l'ego. Parmi elles, Chanson d'automne et Loulou ne passeront pas inaperçues. Si Sheller prend la peine d'évoquer ses textes et sa musique avec un humour détaché, de parler de lui également, de son enfance, qu'on devine heureuse, de l'infâme brouet de poireaux d'Yvonne, la voisine qui garde le jeune William en l'absence de ses parents et qui lui inspirera Nicolas, on se sentira un peu plus proche encore. Si, enfin, l'aisance technique du monsieur, tant au piano qu'à la voix, est servie par une acoustique et une sonorisation de qualité qui permettent au public de ne pas manquer une seule syllabe de la soirée et de redécouvrir ainsi des chansons qu'il croyait connaître...
William Sheller a hypnotisé son monde. Sans en rajouter. C'eut été superflu.