La République du Centre N°17458
5 juin 2004
-article avant le spectacle du 5 juin 2004 au festival de Sully-sur-Loire-

William Sheller, compositeur et chanteur
« La musique est en soi un langage »


- « Comment composez- vous ? »
- « Cela me prend la tête la nuit et le jour. Lorsqu’il s’agit d’amorcer la pompe se succèdent pour moi des états bizarres et sympathiques. Certaines fois je suis obsédé par des musiques ou des phrases qu’il faut que je termine même si elles ne me plaisent pas. Peu importe si ce que l’on obtient est raté,  si ce n’est pas le début de quelque chose. L’essentiel est que la trace soit là et que je puisse y revenir comme un paléontologue qui dégage ici et là une vertèbre. »

- « Qu’en est-il pour le texte ? »
- « Même si je n’ai pas l’urgence du verbe, les mots sont pour moi une plaie et je peux parfois rester deux ans sur une musique sans cependant trouver un mot. En tout état de cause, la musique dicte une humeur, une ambiance, elle est en soi un langage. A moi d’éviter le pléonasme et de faire en sorte que les mots coulent aussi. Par ailleurs, tous les silences sont aussi très importants, parce que l’on doit se faire discret et que loin des commentaires, ils laissent la place à l’imagination de l’auditeur. »

- « Comment vivez-vous un concert ? »
- « Même si je peux faire des grands spectacles, j’aime envisager mon travail comme on aborde des mélodies de Schubert, j’aime le récit intimiste et me sentir, lorsque je suis au piano, véritablement au plus près des gens. »

- « Quels sont vos passe-temps favoris ? »
- « Je lis, je profite de la Sologne car je suis très terrien. Une chose que je n’aime pas ce sont les romans. Je leur préfère des textes sur le Moyen-âge, ou des essais, des biographies. Tout ce qui me parle de choses vécues, de tout ce qui est vrai en somme. »

Jean-Michel Berrette, violoniste
« S'ouvrir aux univers sonores »


- « Comment en êtes-vous venu au quatuor ? »
- « Dès l’âge de douze ans, le grand-père de l’un de mes camarades ayant de nombreuses partitions nous pouvions à notre aise tout massacrer… Bien plus tard, dès la sortie du conservatoire, nous nous sommes réunis pour le plaisir afin de puiser dans un répertoire où l’on ne trouve que des chefs-d’œuvre, une montagne pareille à celle devant laquelle se trouvent les pianistes. »

- « A quoi tient l’évidente beauté de cette forme ? »
- « En ce qu’elle est un équilibre à quatre voix qui nous révèle un compositeur confronté à l’essence la plus stricte de son art. En aucun cas il n’a l’orchestre pour apporter de la coloration à son travail. Au fil de l’histoire, chacun continue donc d’ouvrir des portes, de Bartok vers Beethoven et de bien d’autres jusqu’à Ligetti en passant par Schubert où dans le mouvement lent du quintette on ne peut que sortir son mouchoir. »

- « Quelle rigueur cet art vous demande-t-il ? »  
- « Celle de parvenir à la plus grande homogénéité tout en veillant à ce que chaque personnalité puisse rester intègre. »

- « Que pensez-vous de l’œuvre de William Sheller ? »
- « Nous l’avions rencontré pour enregistrer la musique du film L’Ecrivain public et ce fut un beau souvenir. Quant à ses quatuors, ils sont très courts, de trois à quatre minutes.Ce sont des pièces qui réclament infiniment de travail pareil à celui de l’écrivain devant une nouvelle. En fait, Sheller ne cherche pas à faire du Haydn ou du Beethoven et n’a envie que de faire la musique qui lui vient. Même s’il est un fin connaisseur du classique sa musique parle d’elle-même. On sait tout de suite de qui elle vient. »