Nice-Matin
(édition de Corse)
17 octobre 2001
-concert piano-solo du 15 octobre 2001 au festival "Les Musicales de Bastia"-

Bastia
William Sheller seul à seul...
(par Jean-Marc Raffaelli)


L'auteur des Filles de l'Aurore, qui se bonifie avec l'âge comme du bon vin, a enchanté le public des Musicales en solo...

Par son talent et une sobriété qui confine la timidité, William Sheller a ébloui le théâtre rarement suspendu avec une telle intensité aux lèvres et aux accords d'un artiste. La scène est dépouillée de tout artifice. Un piano noir et un homme blond. Toute l'attention se porte sur le cercle de lumière. Plus rien n'existe autour. Un vide qui va se remplir d'émotions par couches successives. Dès la première chanson, on est subjugué et on l'est encore longtemps après le troisième rappel. Le secret de cet attrait quasi hypnotique, c'est sans doute la simplicité. Le piano est maîtrisé de mains de maître. Les mélodies sont limpides, celles qui sont familières après trois décennies de carrière comme celles qui ne le sont pas et le deviennent aussitôt. Les textes sont ciselés. Mais musiques - mâtinées de jazz - et paroles - restituées dans une parfaite élocution - ne suivent pas deux chemins parallèles. Au contraire, elles se confondent. Les mots voguent sur la portée des notes et les notes donnent toute leur portée aux mots. La poésie s'insinue jusque dans les titres. Chaque chanson est un petit univers clos qui a son existence propre et passionnante, comme une bulle de savon qui offre ses reflets les plus chatoyants avant d'éclater.
C'est la première fois que William Sheller se produit en Corse et, pourtant, on a l'impression d'écouter un répertoire familier, proche de nous. Et si le public a montré tant de chaleur spontanée, c'est parce que la sensibilité intérieure de l'homme est très communicative. Chaque titre a sa petite histoire qui tient lieu de code d'accès. Et on apprend du compositeur lui-même qu'une chanson naît le plus souvent d'une sensation, d'une image fugitive, d'un parfum, d'un regard, d'une expérience d'enfance, bref, d'un instantané de la vie.
L'artiste, qui avait pris l'habitude d'être entouré par un orchestre symphonique, est venu en solo et il a convaincu.
Sur scène, Sheller est devenu un solitaire. Dans le sens diamantifère du terme.