Aussi discret que talentueux, William Sheller ne nous 
      avait pas offert de nouvel album depuis Albion. Six ans d'une attente 
        récompensée puisque, avec Les Machines absurdes, le pianiste 
          solitaire d’Un homme heureux signe un petit bijou. Dix chansons 
            douces-amères magnifiquement soutenues par des cordes, des cuivres et des 
            machines électroniques.
  
  
 
    - 
    «On murmure que cet album serait le dernier ? » 
    - «Je l'ai peut-être dit, mais dans un mouvement d'humeur. C'est de 
    la mauvaise foi.»
    
    - «On vous perçoit 
      comme quelqu'un de mélancolique. Pourtant, dans La vilaine maison, 
      il y a une certaine gaîté ?» 
    - «C'est 
    un clin d'œil à Trénet et aux Beatles. Le thème m'est 
    venu sous la douche, en sifflotant. J'ai souffert du traumatisme de la casserole 
    aux fesses de Rock'n'dollars lorsqu'on attendait que je revienne en rigolo 
    avec de gros pantalons. Dès que j'avais un petit truc marrant, j'évitais 
    de le mettre dans un album. Du coup, j'ai cultivé un peu l'aspect mélancolique.»
    
    - 
      «Parlez-nous de l'Olympia ?» 
    - «Nous serons 
    vingt-et-un sur scène avec des instruments mi-classiques, mi-électriques. 
    Les musiciens ne seront pas assis derrière des pupitres, mais ont consenti 
    à apprendre tout le spectacle par cœur pour pouvoir se déplacer 
    et créer une petite mise en scène. Je déteste le côté 
    coincé et cérémonieux.»
    
    - 
      «Vous n'aimez pas les puristes qui se prennent au sérieux ?»
    - «La musique n'est que de la musique. Ceux qui se sont préservés 
    de tout contact avec la variété en n'éditant que Ravel ou 
    Debussy ont aujourd'hui les oreilles qui tombent. Car ce n'est pas avec Xenakis 
    ou Stockhausen qu'ils vont faire tourner la boutique.»
    
    - 
      «Vous-même avez commencé la musique assez tard ?» 
 
         - «Je me suis mis au piano à 12 ans, parce qu'il me fallait 
    un instrument pour travailler. A l'époque, j'ai du choisir entre la musique 
    et le bac.»
    
    - «Vos parents étaient 
      d'accord ?» 
 
         - «Mon 
    grand-père faisait des décors à l'Opéra et au Théâtre 
    des Champs-Elysées, mon père jouait du jazz. Je suis d'une famille 
    d'artistes qui m'a toujours défendu. Quand on leur disait: "Il 
      va finir en tapant du piano dans une chambre de bonne !", ils répondaient 
    que l'important était que je sois heureux.»
    
    - 
      «Vous avez toujours des difficultés pour écrire ?»
 
         - «Je ne suis pas auteur. Je me mets sur les textes quand la musique 
    est terminée. Et, comme si ce n'était pas assez compliqué, 
    j'aime bien faire des rimes croisées, embrassées... Quand on écoute 
    une chanson, on ne pense pas aux mots, on voit les images. Moi, par exemple, j'aime 
    bien Colette parce que ça ne se lit pas, ça se vit.»
    
    - 
      «Quels sont vos projets ?» 
 
         - «Ne pas finir en buste dans un square avec de la fiente de pigeon 
    sur la tête ! Ce qui m'intéresse, c'est l'humain. Lors d'un 
    festival à Troyes, 600 choristes ont travaillé sur mes chansons. 
    Quand j'ai entendu ça, je me suis dit que Berlioz n'en avait pas eu autant.  
    Je me souviens aussi d'un grand gaillard de 20 ans venu me dire qu'il s'appelait 
    Nicolas grâce à ma chanson. Je me suis senti plus utile que si j'avais 
    écrit une œuvre de 3 heures 30 dédiée au siècle 
    futur.» 