La Tribune de Genève
19 janvier 2000

Chanson
William Sheller est un homme heureux plus que jamais

(par Alain Penel)


Après six ans de chagrin, l'ami de Barbara revient au meilleur de sa forme


En 1987, il s'était payé un décorateur de luxe, la star de la bédé Philippe Druillet, pour chanter sur la scène du Rex. Tout roulait pour lui, d'autant qu'en 1992, il reçut deux Victoires de la musique pour le live Sheller en solitaire, celle du meilleur album et celle de la meilleure chanson de l'année pour Un Homme heureux. Mais depuis Albion, son dernier album à dominante rock en 1994, William Sheller gardait un silence presque pieux, sans pour autant rester inactif : « Je suis parti longtemps en tournée », raconte-t-il dans ses interviews. « J'ai écrit quelques petites choses pour piano, une symphonie, un duo avec la cantatrice Françoise Pollet... Et puis j'ai appris que ma mère était atteinte d'un cancer et j'ai tout arrêté. » Six ans après et quelques chagrins et bonheurs en plus, sa mère a disparu et lui, à 53 ans, est devenu grand-père. Il semble profiter de ces deux événements de la vie pour revenir sur le devant de la scène avec un disque bizarrement intitulé Les machines absurdes. Le chanteur explique qu'il a baptisé son disque ainsi parce qu'au cours de l'enregistrement il a dû se bagarrer avec des ordinateurs et que ces machines lui ont fait penser au début du film L'Empire contre-attaque.

Talent intact

Les dix chansons de l'album n'évoquent qu'en partie cette image. Les fans du chanteur franco-américain y retrouvent l'intégralité du talent romantico-suggestif de leur idole et sa manière de poser les mots comme des roses à la surface des choses. William Sheller, qui croit avoir déjà tout raconté, parle de la nostalgie, du bonheur et de l'amitié et avoue devoir se forcer à écrire. Pour la musique, il ne rencontre pas davantage de facilité, dit-il, même si les musiques électroniques qu'il utilise dans ce disque lui rappellent quelque part la grande et insondable forêt du classique.

Passage de millénaire harmonieux

Les Machines absurdes ne font pas oublier que, depuis ses débuts dans les années 70, William Sheller n'a cessé d'explorer les champs musicaux de la chanson et de la variété. Du chant des guitares électriques au son du piano au fond du bois, il arrive aujourd'hui au bug, celui des ordinateurs. A cette époque de franchissement des millénaires, cela paraît normal. Mais il parvient, avec sa délicatesse coutumière, à rendre l'opération très harmonieuse. Malgré les apparences, William Sheller reste plus que jamais un homme heureux. Après tout, n'est-ce pas sa bannière musicale et éthique ?

Dans un studio ambulant

Non sans malice, William Sheller rappelle volontiers que sa maison de disques ne croyait pas au succès d'Un Homme heureux. Il révèle aussi que Les Machines absurdes est constitué de chansons composées au cours de ces cinq dernières années. Certaines phrases musicales certes semblent sorties de ses anciennes chansons, mais cela n'est pas rédhibitoire. Tous les artistes sont d'une manière prisonniers d'eux-mêmes. Plus intéressant, l'album a été enregistré dans un studio mobile, qui était garé à La Baule. Le chanteur affirme que cette technique est très pratique. S'il manque une ou deux phrases à une chanson, William Sheller peut toujours la rajouter en faisant venir le studio-camion près de l'endroit où il se trouve. D'une nature curieuse, comme il l'avoue volontiers, l'artiste a dû juger cette façon de pratiquer son métier très moderne. Mais quand on se souvient des buvettes ambulantes du temps des guerres passées ou des cirques qui parcourent les campagnes, on se dit que le showbiz n'a rien inventé...  

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William Sheller, Les Machines absurdes, dist. Universal Music.