Madame Figaro N°15606
22 octobre 1994

Rencontres
William Sheller : "J'ai besoin d'être nomade pour éviter la rouille"

(par Christian Gonzalez)



Il fait partie de ces vedettes que la célébrité harasse, qui ne sacrifient à la promotion de leur prochain spectacle (en l’occurrence un Olympia jusqu’au 30 octobre) que contraintes par une taraudante conscience professionnelle et l’insistance de leur service de presse. Lui, William Sheller, tout ce qu’il aime, c’est son tête-à-tête avec l’ordinateur sur lequel il compose inlassablement; jugez de la perturbation quand un journaliste déboule pour emboucher à son propos les trompettes de la Renommée !
L’accueil, plutôt frisquet, donnerait des engelures à un Esquimau. Il a une brosse de cheveux pâles, des joues creuses et l’œil polaire, on dirait qu’il débarque d’ailleurs et, visiblement, il a du mal à se remettre du décalage horaire. Il se pose la question : «Comment peut-on être à la fois musicien et vedette ?» Oui, comment ? Espérons simplement que ses droits d’auteur et ses disques d’or l’aident vaille que vaille à surmonter cette brûlante interrogation existentielle.
Il vous livre des bribes : «Je dois maintenant opérer un tournant, mais humain plutôt qu’artistique, c’est-à-dire m’investir de moins en moins dans le paraître». De ce côté-là, il est incontestablement bien parti.
Sur la scène de l’Olympia, il sera entouré d’une vingtaine de musiciens, avec son fils Siegfried à la guitare électrique. Ce qu’il veut : surprendre, se lancer, d’une scène à l’autre, d’un disque au prochain, dans des aventures à rebrousse-succès. «J’ai besoin d’être nomade pour éviter la rouille, ne pas me caricaturer moi-même… Je suis musicien comme on peut être cuisinier. Un cuisinier ne fait pas que des plats principaux…»
Il a chanté qu’il voulait être un homme heureux. Il est surtout un homme solitaire : «C’est une sorte de fatalité quand on est musicien : on plane tout le temps avec un air de musique dans la tête, c’est à peine si on s’aperçoit qu’il y a quelqu’un à côté de soi». C’est ce qu’on avait cru remarquer.