Le Matin
27 janvier 1993

-concert instrumental du 24 janvier 1993 à la salle Pleyel, Paris-

En création mondiale à la salle Pleyel à Paris
Un piston signé Sheller


On connaissait son « Homme heureux ». Le voici sans voix, mais avec orchestre.

Un homme heureux. Tel était William Sheller à l’issue d’une première mondiale : la création d’un Concerto pour trompette et orchestre signé des mains mêmes du maître. Exécuté dimanche dernier à la salle Pleyel à Paris, ce concerto, commandé par le trompettiste Thierry Caens, a déchaîné des tonnerres d’applaudissements et une « standing ovation ». Interrogé en coulisses, Sheller, visiblement ému, avait peine à qualifier sa joie. Il a tout de même laissé entendre que son œuvre pourrait bientôt être enregistrée : « En revanche, j’ignore quand. Pour l’instant, j’aime penser qu’elle ne peut exister qu’en live. »

Si l’on ne doutait pas des talents de compositeur de Sheller — ses derniers albums ont prouvé qu’il savait écrire une partition pour orchestre, de plus il signait l’an dernier des pages pour l’Orchestre national de Lille — on reste surpris par la diversité de son style. Mieux : a priori ce Concerto pour trompette diffère du reste de son œuvre. Ces pages n’ont rien à voir ni avec l’univers de la comédie musicale — comme c’était en partie le cas dans l’album Ailleurs et dans la réédition récente de Lux Aeterna — ni avec la chanson.

Composé de trois mouvements, ce concerto n’a qu’un point commun avec les anciennes compositions du chanteur : la présence constante, presque obsédante, des percussions. Côté orchestre, Sheller utilise généreusement la puissance des instruments — presque à l’excès, diront certains—. Résultat : son concerto est éclatant et opulent, jamais étouffant. Quant à la couleur générale, elle évoque certainement Igor Stravinski, l’un des maîtres incontestés de l'artiste. Notons encore que la partition de Sheller a été admirablement servie, pour cette première, par l’excellent Thierry Caens (à qui le concerto est dédié) et par l’Orchestre des concerts Lamoureux, dirigé par Yutaka Sado.