Télé 7 jours N°1642
16 au 22 novembre 1991

William Sheller, un professeur pas du tout solitaire
(par Cécile Tesseyre)

 


Il a suffi qu’il chante
En solitaire pour conquérir un nouveau public, qui connaissait mal une œuvre déjà longue. Un homme heureux est pour lui plus qu' une chanson classée au Top. Un symbole. D’autant qu’il donne, maintenant, des cours au conservatoire de Bourgoin, près de Lyon. Il est à l’Olympia les 13, 14, 15 et 16 novembre.

C’est le week-end mais il y a classe au conservatoire de Bourgoin, près de Lyon. Une fois par mois, William Sheller, auteur, compositeur, interprète et star des Tops avec son album En solitaire et sa chanson Un homme heureux, devient professeur pour une classe de variétés. Au premier étage du conservatoire, dans l’auditorium Maurice Ravel, ils sont vingt élèves attentifs, dont une seule fille, à l’entourer autour d’un synthétiseur et d’un ordinateur. «Je ne suis pas vraiment un professeur, plutôt celui qui donne des conseils. J’ai établi un programme. Au départ, travailler les notes avec un ordinateur, comment composer une chanson, expliquer pourquoi, parfois, un texte ne colle pas sur une musique, comment et où réaliser une maquette, savoir la présenter à une maison de disques, naviguer dans ce métier et comment éviter les pièges.»
A l’origine de ce projet, le directeur du conservatoire de Bourgoin. «Il m’a contacté le premier. Cette expérience m’intéressait. Souvent, après des concerts ou des émissions, des jeunes viennent me voir avec des cassettes pour avoir des conseils. Je n’ai pas le temps de les recevoir tous. Il y a très peu d’endroits où l’on enseigne comment faire une chanson. Au conservatoire on propose un enseignement très complet, très large mais destiné à la musique classique. Ceux qui ne veulent que chanter, n’ont pas besoin de tout connaître. Comme je suis passé par les deux, je sais que l’on peut élaguer un peu. Le plus gros problème, c’est le manque de matériel. Les instruments sont taxés comme des objets de luxe. Ce n’est pas le cas des outils ! Or, les instruments sont des outils pour un musicien.
J’espère que cette expérience encouragera d’autres initiatives dans d’autres régions, avec d’autres artistes. Je voulais une classe de compositeurs limitée à une vingtaine d’élèves. Au-delà, cela aurait été un travail inutile. Tous aspirent à devenir des professionnels. Avec la classe, ils cherchent aussi un encouragement. Trop de parents ne considèrent pas la musique comme une activité sérieuse.
» Sa famille a toujours encouragé William Sheller. «Mon grand-père était décorateur à l’Opéra, mon père contrebassiste et ma mère adorait le jazz. J’ai commencé le piano vers 10 ans. A 12 ans, mes parents voyant ma passion, m’ont donné un très bon professeur. Trois ans plus tard, j’ai du choisir entre le lycée ou l’école professionnelle. Mes parents m’ont laissé partir pour le théâtre. Enfant, je ne me suis jamais demandé quel métier me plairait, adulte. Je savais que je voulais faire de la musique. Mes parents s’y attendaient. Si je n’avais plus de voix ni de mains, je jouerais du piano avec mes pieds !» Et ce n’est pas fini ! Son fils Siegfried, dit Ziggy, 14 ans, est aussi musicien. «Il est bien équipé avec son ordinateur et sa pièce à musique. Je respecte ses influences. Il est très branché par la new wave et la musique du groupe The Cure. Quand il vient me voir pour un truc qui cloche, je le guide en connaissant The Cure. Pareil pour mes élèves. Je ne veux pas en faire des petits William Sheller.» Johanna, sa fille, est davantage passionnée par le dessin et l’écriture. 
 «J’ai vécu, longtemps, séparé de mes enfants, en raison de mon métier et de mon divorce puisqu’ils vivaient avec leur mère. Comme ils ne pouvaient pas faire assez de musique et de dessin, ils sont venus vivre avec moi. J’ai emménagé dans un appartement plus grand, un duplex. J’ai découvert des adolescents avec lesquels j’ai du apprendre à vivre. Chez moi, l’ambiance est très vivante car, bien sûr, ils reçoivent leurs amis et leur vie m’intéresse. J’aime la jeunesse actuelle que je trouve bien plus responsable que ne l’était la mienne. A mon époque, c’était 68, les babas et le refus du système. Aujourd’hui, les jeunes se placent dans le système et essaient de pousser les murs pour que leur vie leur appartienne. Alors que ma génération se réfugiait dans les rêves, eux se battent pour les réaliser.»
A Bourgoin, les élèves de William ont de 18 à 25 ans. Il apprend aussi beaucoup d’eux. «Un échange s’installe et, à la fin de l’année scolaire, nous allons donner ensemble, ici, un grand spectacle.»
En attendant, William Sheller est à Paris les 13, 14, 15 et 16 novembre à l’Olympia. «Après un concert, dans le music-hall, le 4 décembre dernier, j’ai enregistré un disque  acoustique au piano, En solitaire. Je suis retourné en studio face à un public de 200 personnes, avec les mêmes chansons, dans les mêmes conditions. Le succès de cette album m’étonne, car il va à l’encontre de ce qui se fait actuellement.» Et de ce que prépare William Sheller. Son prochain album, prévu pour avril 92, sera rock. William est un homme heureux.