Le Matin
4 octobre 1991
-concert piano-solo du 2-10-1991 au Théâtre de Beausobre à Morges-

William Sheller à Beausobre
L'âme en paix
(par Isabelle Binggell)


Dans son intimité, l’homme penché sur le piano a égrené ses anciennes chansons


Adolescent, il connaissait déjà Morges, à cause d’Igor Stravinsky, l’une des figures de sa jeunesse dont il relit régulièrement la partition du  Sacre du printemps. Pour le plaisir, comme un livre ami. William Sheller retrouvait, mercredi soir, un Théâtre de Beausobre archicomble. Deux heures durant, il a interprété des chansons d’avant, seul derrière son piano. On pressentait que la soirée serait douce à l’écoute de l’album tiré de ce tour de chant et intitulé Sheller en solitaire.
Sur scène, il donne à ses chansons un relief et une densité que l’on ne perçoit pas sur le disque. En entendant Les mots qui viennent tout bas ou Un endroit pour vivre, on songe au talent de mélodiste de ce musicien qui s’est entiché, enfant, d’un piano et de ses potentialités infinies. Ses chansons ont une rondeur qui a fait de lui un artiste à succès se promenant sans complaisance entre rock, musique classique et variété.
On imaginait William Sheller plutôt discret. Ce soir-là, il parla longtemps, amusé et disert, présentant chacune de ses chansons comme on le ferait entre amis durant la veillée. Le personnage est attachant quand il raconte avoir croisé un petit garçon sautillant d’une jambe sur l’autre et répétant de façon énigmatique : « Maman est folle ». La scène, quelque peu surréaliste, est devenue chanson. Sheller dit encore : « Quand j’étais gosse, j’aimais bien regarder les flaques d’eau, parce qu’on voyait le monde à l’envers. » Ses textes ont le goût acidulé des amours... Celles qu’on espère, d’autres auxquelles on ne croit plus, d’aucunes fugitives qui fuient tout le temps. Ses mots sont sans tristesse, juste un peu mélancoliques. Cet homme penché sur son piano est un auteur au souffle onirique qui joue délicatement avec notre imaginaire. On saisit de-ci, de-là un mot, une phrase et on se sent soudain serein, comme rempli de tendresse et d’espoir. Un instant en paix, on écoute ce pianiste qui égrène joliment ses notes et chante doucement : « Je veux être un homme heureux. »
□ Dist. PolyGram.