Guitare et claviers N°109
juin 1990

William Sheller
Folies symphoniques
(par Catherine Chantoiseau)




Avec son nouvel album Ailleurs, William Sheller s’affirme à nouveau comme l’un des artistes les plus intéressants de la variété française. Compositeur à part entière, il aborde l’orchestration avec un très grand professionnalisme.


« Je suis un fils d’immigrés comme les autres, mais c’est tellement plus chic quand on est américain… » Ainsi William Sheller revendique-t-il son appartenance à la culture française tout en dénonçant les modes et les mythes mis en avant dans une optique commerciale. Ailleurs est son treizième album, feutré, pudique, et esthétique, mais aussi suffisamment neuf pour se complaire dans les contrastes, par exemple avec le clip futuriste de Philippe Druillet pour illustrer Excalibur. Homme de scène comme de studio, William Sheller est la démonstration évidente que l’on peut asseoir une carrière solidement sans pour autant solder ses gammes ni son âme.

- « Quelles sont les difficultés inhérentes à l’utilisation d’instruments acoustiques pour orchestrer symphoniquement des chansons comme celles d’Ailleurs ? »
- « Les instruments n’ont pas tous la même force, et un même instrument, par exemple une flûte, peut avoir une dynamique différente selon qu’il est utilisé dans les graves ou dans les aigus. Il faut avoir sans cesse ce rapport entre les sons à l’esprit. En studio, on peut bien sûr tout rééquilibrer après, mais on prend de mauvaises habitudes quand on travaille ainsi. Je préfère concevoir mes orchestrations pour être jouées live, et enregistrer avec simplement deux micros au-dessus de la tête du chef d’orchestre. Une fois que cette partie est posée et mixée, on peut faire venir d’autres musiciens, par exemple électriques. J’ajoute toujours la batterie en dernier pour laisser l’orchestre vivre, ralentir ou accélérer, s’exprimer comme un personne, une entité. De plus il est très agréable pour un batteur de venir quand tout est fini car il est inhabituel pour lui d’entendre le reste et de se caler dans l’ensemble, de fluctuer sans s’en rendre compte en touchant vraiment la matière de la musique, sans faire de complexe culturel parce qu’il va apporter des éléments " destroy " à des consonnances classiques. »

- « Vous sentez-vous plus libre avec des musiciens classiques qu’avec des synthétiseurs et des ordinateurs ? »
- « Mon plaisir a toujours été d’écrire pour des instrumentistes. Il y a vingt ans, j’ai déjà tenté de mélanger un groupe de rock, un orchestre symphonique, et des chœurs d’opéra mais tout le monde se méfiait. Aujourd’hui, les musiciens ont changé et je n’ai pas eu de problème avec les soixante-dix membres de l’orchestre pour le Palais des Congrès. A force de se prendre pour des génies, les musiciens ont fini par faire des choses qui n’intéressent plus le public, comme la musique contemporaine. Après l’avant-garde, ça a fait du bien que les punks viennent dire "non future". »