France Soir N°14222
2 mai 1990
-Rencontre avant une série de concerts au Palais des Congrès de Paris, 2 au 8 mai 1990-

Accompagné par 70 musiciens sur la scène du Palais des Congrès
William Sheller le mutant

(par Monique Prévôt)



Un pied ailleurs, un autre dans le siècle, il se passionne aussi pour le Moyen Age.


« Monsieur William est vraiment désolé de me recevoir dans un bordel pareil ! » Lui, le maniaque des bombes autonettoyantes se résout au (très supportable) désordre qu’engendre chez lui la fièvre prête à culminer à partir de ce soir au Palais des Congrès.
« J’ai avec moi tous les meilleurs pupitres du siècle, décline-t-il, une lueur de malice au fond de la prunelle. Ils se sont mis en congé pour m’accompagner. Il ne fera pas bon aller à l’Opéra ces jours-ci. »

Top niveau
Pour une entrée en matière, c’est du grand style. « De toute façon, c’était le top niveau ou rien, renchérit-il sans s’émouvoir.  Oh ! Je sais bien que j’avais la solution des musiciens de l’Est -car soixante-dix, ça commence à chiffrer en prix de revient-, mais la musique ce n’est pas quelque chose qui se décrypte sur une partition et puis point. La mienne en tout cas. Qui est un vaste fourre-tout. Une sorte de bilan culturel que je nomme sans complexe la musique de notre époque. Comment demander à des musiciens qui ont eu tout juste le droit de jouer Rachmaninov et deux ou trois compositeurs rescapés de la censure d’infiltrer entre une petite verticale mozartienne et un petit coulis de jazz Cole Porter, le pointillé impressionniste d’un Debussy ? Il faut avoir vécu ça ! Alors tant pis, je suis cher. »

Un viking
Et voilà, jeté en vrac ! Snob le père Sheller ? Dans son gros survêt noir, lyrique ou loufoque, Sir William n’a plus grand-chose à voir il est vrai avec le lutin ketchup de Rock'n'dollars. Mais avec la B.D toujours. Plus près disons du viking pour grande aventure spatiale le blond au crâne rasé ! Et pas facile de s’y tenir. Il me montre une photo de son époque psychédélique, cheveux longs, barbe et
92 kilos.
« Comme je perds mes cheveux, je les rase. Mais pour ce qui est des kilos, moi qui suis un gourmand, c’est la lutte au jour le jour ! »

Baroque
Sans souffrance, où serait le plaisir et même l’inspiration ? A preuve, son dernier opus, Ailleurs (déjà Disque d’or), de facture baroque, avec 80 musiciens classiques.
« Et ça n’ira qu’en s’accentuant, prévient-il. Dans ce spectacle où l’on jouera les lumières délibérément théâtrales sur l’orchestre (un peu à la Fantasia de Walt Disney), je vais me payer le culot d’un concerto pour violoncelles que j’ai composé. Pour le plaisir. Pour partager avec le public ce goût du classique pas forcément hermétique.» 
- « Excalibur (la chanson, et le clip signé Druillet), Macbeth, votre futur opéra en gestation. Une fascination pour le Moyen Age ? »
- « Sûrement. Il y avait encore des dragons, des licornes et des sorcières à cette époque. Et curieusement les mêmes fourmillements mythiques et la même spiritualité que dans les romans futuristes. »  
Un vrai mutant ce Sheller. Un pied «ailleurs», et l’autre sur terre. « Pour les éventuelles  gueules de bois de mon équipe, j’ai toujours ma boîte à pharmacie avec moi. »

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Du 2 au 8 mai au Palais des Congrès.