Le Nouvelliste & Feuille d'avis du Valais
7 février 1990

Antennes/
Sacrée Soirée

Les Ponts de Sheller
-participation à l'émission "Sacrée soirée", le 7 février 1990 sur TF1-
(par Joël Cerutti)


Depuis deux albums, Sheller casse la cage du Top 50 pour composer uniquement ce qu'il veut. A l'arrivée, ses créations mélangent l'ambiance classique aux rythmes rock. Un équilibre surprenant.


Des cheveux en brosse, la moustache d'un lord anglais un peu allumé. Voici William Sheller, au début des années huitante. Excellent faiseur de variétés, il place au hit-parade des ritournelles synthétisées soutenues par des cuivres de bon aloi. Un plumitif en mal de références le compare à Claude François !
Pourtant, les indices grouillaient dans ses galettes. Entre les dix morceaux réglementaires, William casait un petit instrumental aux réminiscences schubertiennes. Des petites respirations, sans parole contenant ses nostalgies perdues. A l'époque, on imagine sans peine notre homme cultiver les passions impossibles devant sa tasse de thé, à 16 heures pile.
Les gouttes de brume s'écrasant contre les carreaux, on se le représente, le cœur brisé, les yeux dans le vague, noyant ses petites aigreurs avec un nuage de lait. Déjà Sheller avait oublié son premier tube (« Donnez-moi, s.v.p, du hamburger et du ketchup »). Déjà, il se trompait d'époque, planté dans les « eighties » alors qu'il appartenait, c'est sûr, aux années vingt. L'actuel ennuie ce dandy, ce Gatsby du microsillon. « Je me demande dans quelle direction peuvent se tourner les jeunes d'aujourd'hui. Dans les années cinquante, tout explosait. Maintenant, il n'y a que des modes. », commente Sheller en 1982. Les médias, il s'en défie. Cela gêne sa pudeur qu'on y affiche sa liaison avec Catherine Lara.

Il préfère qu'on parle de Barbara. « C'est à cause d'elle que je fais ce métier. Elle m'a choisi pour les arrangements d'un de ses disques, et m'a décidé à chanter ! », se rappelle-t-il. Grande Colère, Sheller boycotte le tapage médiatique. « Je faisais toutes les télés. Je racontais n'importe quoi dans des revues bébêtes. Maintenant, ça suffit ! »

Téléphone bouclé, l'artiste part sur les scènes... avec un quatuor à cordes. « C’était le quitte ou double. L'intérêt pour un trapéziste c'est de savoir qu'il n'a pas de filet et qu'il risque de tomber. Sans danger, ce n'est pas drôle. »

Depuis deux albums (Univers et Ailleurs), le compositeur lance des ponts entre tous les genres. « J'ai le sentiment d'avoir enfin réalisé la jonction dont je rêvais. J'ai essayé de trouver une synthèse avec les rythmes du rock et les images mentales favorisées par la musique classique », définit Sheller.