Le Matin
30 avril 1984
- Interview avant un concert avec quatuor à cordes le 2 mai 1984 au Grand Casino de Genève -

William Sheller « symphomane »
(par Roland Tillmanns)

 

 « De même qu'il n'existe pas de peinture dite de "variétés", il n'y a pas lieu de différencier musique classique et populaire; je fais de la musique d'aujourd'hui, c'est tout ! »  William Sheller dixit.

Compositeur dans l’âme, arrangeur et orchestrateur par métier, chanteur un peu par hasard, William Sheller mène décidément une carrière artistique qui ne suit pas la ligne balisée du show-biz. A 38 ans, le chanteur parisien n’a enregistré que cinq disques, donné fort peu de concerts et n’apparaît que rarement à la télévision. Logique avec lui-même, l’auteur de Nicolas a renoncé pour son nouveau tour de chant aux décibels et au tape à l’œil, en faisant appel à un simple quatuor à cordes.
- « Est-ce une réaction face aux spectacles à grande mise en scène ? »
- « Non, pas vraiment. C’est tout simplement un besoin d’avoir un contact avec le public, de donner ma musique comme si les gens étaient chez moi, avec des amis. J’ai composé dernièrement quelques quatuors, et c’est aussi l’occasion de les faire jouer entre mes chansons. Je suis avant tout compositeur et ça m’amuse de jongler avec les genres : chansons en solo pour lesquelles je m’accompagne au piano, ou en petite formation, et parties instrumentales où je ne suis présent que par l’écriture ! Je fais de la musique d’aujourd’hui ; que ce soit sous forme de chansons ou de pièces instrumentales n’a aucune importance. »
- « Entre le moment où vous avez commencé à écrire et la sortie de votre premier album, il s’est passé cinq ans... »
 - « Au départ, j’étais dans la musique dite contemporaine, j’en suis revenu [rire] ! Le moyen d’entrer dans la musique vivante, qui court les rues, c’était de passer dans le monde des variétés. Je ne voulais pas chanter au début, je composais des chansons dont personne ne voulait parce qu’elles etaient bizarres !  Je me suis alors tourné vers l’orchestration, ce qui m’a permis de travailler, notamment, avec Barbara pour l’album La Louve (Marienbad, entre autres). C’est elle qui m’a poussé à interpréter enfin mes propres chansons. »
-  « … Et cinq autres années pour que vous vous décidiez à monter sur scène ! »
- « Oui, ça peut paraître curieux ; mais tout est parti en fait sur un malentendu, sur une seule chanson —Rock’n’dollars— qui a été reçue immédiatement comme une chanson commerciale. Le succès fait toujours plaisir et je me suis laissé embarquer, si bien que j’ai très vite été assimilé à un chanteur de hit-parade, créneau dans lequel je ne me sentais pas à l’aise. Me rendant compte que j’étais manipulé, même au niveau de la création, j’ai décidé de casser les structures, de ne plus répondre au téléphone, de chercher par moi-même des professionnels intéressants, et de réapprendre le métier. »

A voir mercredi soir (20 h 30) au Grand Casino de Genève et ultérieurement, lorsque William Sheller sera l’invité de Michel Pollac pour Droit de réponse sur le thème des musiques contemporaines.