24 Heures
26 avril 1984
- Interview avant un concert avec quatuor à cordes le 2 mai 1984 au Grand Casino de Genève -

William Sheller bientôt à Genève
«
Le modernisme, c'est fini ! »
(par Jean-Blaise Besençon)

 

Au milieu d'une journée de promotion menée tambour battant, entre deux play-backs pour la Télévision romande (Midi public), l'interrogatoire de rigueur sur les ondes radio et la valse des questionnaires de la presse écrite, William Sheller*, auteur, compositeur et interprète de variétés (et d'autres choses), n'a pas résisté à casser quelques pelles à neige de sucre sur la mode, les maisons de disques et le show-business.
Ne croyez pas pourtant que l'auteur de
Je suis pas bien soit au fond du trou, ou qu'il crache dans la soupe ! Justement cynique, il la relève au contraire de quelques formules pimentées...

- Jean-Blaise Besençon : « Après plusieurs années passées à composer des musiques pour les autres et le cinéma, vous vous êtes décidé à faire de la scène sur le tard. On dit même : sans grand enthousiasme ! »
- William Sheller :  « Non, ce n'est pas vrai. La scène est très importante pour les contacts humains, et c'est surtout la découverte que quelque chose peut exister en marge du show-business. »

- JBB : « Les pressions sont-elles si terribles ? »
- WS: « Le show-biz souffre d'une insupportable médiocrité créative. C'est un métier où les gens ne prennent pas de risques. Et c'est pour cette raison que c'est en train de crever ! »

- JBB : « Peut-être aussi parce que les bons chanteurs sont rares. »
- WS : « Absolument pas, tout le monde dit qu'il y a une crise du spectacle et des nouveaux talents, alors qu'il n'y a jamais eu autant d'opportunités pour s'exprimer, pour communiquer, pour faire un disque. Seulement il ne faut pas prendre les maisons de disques pour ce qu'elles ne sont pas. Elles veulent se substituer à l'artiste, et lui dicter sa conduite, sous prétexte qu'elles détiennent le savoir. Alors qu elles savent à peine suivre ce qui marche déjà. »

-  JBB :  « Pourquoi enregistrer un minialbum (six titres) Simplement (Philips 814 986-1) ? »
-  WS : « Ce disque est en réalité une maquette. J’avais travaillé douze titres. Et puis on me dit qu'il ne faut plus en faire douze mais six, parce que c'est moins cher. Mais ça c'est leur problème... je ne vais pas défendre un disque que l'on m'a imposé. On peut faire de la scène sans faire de disques, et moi je peux rester un an sans rien enregistrer et sans être oublié. »

- JBB : « Vous semblez connaître les recettes qui plaisent au plus grand nombre. Est-ce que vous sentez le tube avant sa consécration ? » 
- WS : « Je pense que tous les compositeurs connaissent des intervalles de notes qui flattent l'oreille, et des harmonies. Et puis, chacun possède une certaine idée de la beauté. D'autre part il y a un goût général du public, que l'on peut flatter d'une manière basse, ou au contraire sublimer. Quitte à mentir, mais le mensonge fait partie du spectacle ! »

 - JBB : « Etes-vous à l'écoute des nouvelles musiques ? »
-  WS  : « Je me méfie des modes et de la soi-disant suprématie de la musique anglo-saxonne. De toute façon, le modernisme c'est fini ! On observe maintenant un retour au néo-classicisme... »

- JBB : « Votre spectacle en est-il une expression ? »
- WS  : « Mon spectacle tient avant tout de la veillée. Il n'y a pas d'instruments électriques, seulement un quatuor de cordes et mon piano. Ainsi nous travaillons davantage dans la hi-fi que sur le volume... »

* William Sheller chantera le mercredi 2 mai à 20 h 30 au Grand Casino de Genève.