24 Heures
19 octobre 1983
- concerts du 17 octobre 1983 au Théâtre de Beaulieu à Lausanne -

Gala de chansons à Beaulieu
Un goût d'inachevé
(par Michel Caspary)


Deuxième gala de la chanson francophone, lundi à Beaulieu. Une assistance plus fournie que dimanche, venue, on s'en apercevra après, essentiellement pour les deux derniers artistes. Mais une maigre assistance malgré tout qui montre que Lausanne n'a pas un potentiel de public aussi large qu'on voudrait le croire.

Bob Jambey, lundi, ouvrait les feux. Une prestation meilleure que celle des Faux-Nez la saison passée — parce que entouré de trois musiciens — mais en deçà de celle de Spa l'an passé. Quand donc ce Chaux-de-Fonnier utilisera- t-il toutes ses possibilités ? La voix chevrotante et les attitudes coincées, Jambey pourrait donner d'autres textes de la même veine qu' Ovomaltine.

Elle existe sur scène, elle s'amuse, elle a la voix un peu aigre et un vibrato qui fait décidément songer à Piaf, elle est Belge, elle s'appelle Christiane Stefanski et touche souvent juste. Du rock au cabaret en passant par le jazz et le blues, elle veut pourtant parfois trop en faire dans ses compositions. Sa voix s'égare parfois aussi mais ses textes sont pertinents. Un bon moment.

Vint Sébastien Santa Maria, pour son deuxième concert en tant que chanteur après Mézières. Une méchante surprise. De concert, il n'y en eut point ou presque en réalité. On parlera plutôt de bouillie sonore, à trop haut volume. A qui la faute ? À la sono d'abord, très médiocre (c'est un minimum) tout le long de ces deux jours. A Santa Maria aussi, qui eut sans doute le tort, en tant que professionnel, de s'énerver et de mal jouer. Aux compositions en elles-mêmes enfin, parfois brouillonnes, s'éclatant sans direction. Qui peut dire avoir entendu les textes — si textes il y a ? — Car c'est là un point faible important, comme la voix, nerveuse mais trop faible face à l'ampleur sonore.
Une telle démarche nécessite un cadre et des réglages importants que le contexte de ce gala ne pouvait offrir. Une question : Sébastien Santa Maria devrait-il laisser mûrir et se reposer cette formule — qui ne remet nullement en question l'incroyable potentiel des musiciens — quitte à fortifier, en solo, la voix, les textes, et les compositions, aux bases captivantes ? On eut l'estomac noué pour lui lundi soir. Quel dommage ! Il est pourtant injuste et stupide de réduire en miettes un tel travail, une telle passion, aussi rapidement que l'ont fait certains spectateurs. On sait Santa Maria attendu perpétuellement au contour.
Une telle personnalité dérange. Qu'elle dérange longtemps encore !

Il était dès lors facile d'apprécier, en final, les arabesques douces de William Sheller, seul au piano, et rejoint au milieu du concert par un quatuor à cordes. On connaît les qualités d'arrangeur du Français. La richesse des partitions du quatuor le confirma. Une heure délicieuse, Sheller prenant le temps d'expliquer le contexte de chaque chanson, avec une sympathie touchante. Une vedette du show-biz, certes, mais un personnage simple, abordable, généreux. Des couleurs pastel qui charment, une voix accrocheuse et un savoir faire impressionnant : c'est aussi léger et agréable qu'une bulle de champagne dans le cœur.