La Dépêche du Midi
10 avril 1983

William Sheller
My year is a day, Erotissimo, Rock’n’dollars, Fier et fou de vous, Nicolas, J’suis pas bien
Un petit coucou à l’Olympia (avec J-J. Goldman, si possible) en juin et un nouvel album en septembre.
  
(par Bernard Lescure)



A l’occasion du dernier M.I.D.E.M, William Sheller devait offrir aux festivaliers un grand concert en compagnie du Grand Orchestre de Monte-Carlo. Et puis, pour des raisons encore obscures mais en tout cas indépendantes de sa volonté, les dieux du show-business en ont voulu autrement. Il est un peu déçu, William, mais les quatre mois qu’il vient de passer à écrire ses partitions pour quatre-vingt musiciens serviront quand même un jour.

En attendant -et c’est son principal souci aujourd’hui- il prépare un nouveau disque pour les semaines qui viennent, un simple 45 tours d’abord qui devrait sortir courant mai et qui sera suivi d’un nouveal album 30 cm à la rentrée prochaine. Son contenu ?

- « Tu sais, j’avais envie de faire autre chose : de travailler un peu plus dans les cuivres, par exemple, comme dans les vieux disques d’Otis Redding. Mais mon album sera quand même très éclectique. J’ai ainsi une chanson sur un type qui nage (« Il nage, il nage ») conçue pour un piano, un violoncelle et une voix, on dirait du Gabriel Fauré. Madame Butterfly, une autre, c’est carrément de la musique japonaise. Les Filles de l’aurore, une troisième, est composée pour tout l’orchestre. »

- « Quels sont tes musiciens aujourd’hui ? »
- « Toujours les mêmes. Tous ceux qui m’ont accompagné à l’Olympia l’année dernière, durant une semaine : Bernard Torelli, Jacky Arconte, Patrick Dupont, Stéphane Ianora, Patrick Bourgoin, Eric Muler, Tony Brenes, Kako Bessot, Alex Perdigon. »

- « Es-tu vraiment satisfait de ton dernier album, l’enregistrement public de l’Olympia, qui a d’ailleurs été très bien accueilli par toutes les stations de radio ? »
- « Oui, bien sûr. Mais je regrette un peu que l’on ait oublié de mettre un micro dans la salle, ne serait-ce que pour enregistrer un peu les réactions du public. Et puis, sur scène, entre deux chansons, j’adore parler au public ; sur le disque, hélas ! tous mes petits discours sont absents. Cela dit, c’est quand même un excellent souvenir. »

- « Tu écris toujours les textes de tes chansons ? »
- « Aujourd’hui, je travaille en collaboration avec une fille, Muriel Solal… Elle est psychanaliste et est aussi l’auteur du scénario de L’Eté meurtrier, un film qui doit sortir prochainement. Elle a un talent fou, Muriel. Elle lance une phrase, j’en lance une autre, je mets mon grain de sel ; elle, tous ses délires. Et ça se déroule. On s’envole tous les deux. Mais toujours dans le culte du double sens et du léger flou. »

- « Tu écoutes d’autres chanteurs ? »

- « J’ai beaucoup de mal à écouter les autres. Parce que ça m’ennuie. Il y a beaucoup trop de productions et c’est toujours le même ronron. »

- « Tu as des défauts ? »
- « Ah ! Oui. Je râle. Et je plane. Souvent, en pleine conversation, j’entends de la musique. Alors je file. Il paraît d’ailleurs que ça se lit sur mon visage. Et puis, je suis méticuleux et maniaque. »

- « Et tes qualités ? »
- « La tolérance. Tout au moins, je m’y applique. Mon principal défaut, c’est de ne pas savoir saisir les choses au bon moment et de ne pas savoir écraser quelques pieds pour obtenir ce que je veux. Mais quand j’ai décidé de bouger, je bouge. »

- « Tu as d’autres loisirs que la musique ? »
- « Le cinéma, de temps en temps. Mais surtout sur cassettes, à la maison. Dans les salles, j’étouffe. »

- « Et dans les salles de spectacles. »
- « Là, je suis sur scène. C’est pas pareil. C’est moi le plus fort. Je suis « M. le mauduit » qui va égorger les petites filles quelque part ! … De toutes façons, ça ne pourrait pas se passer autrement. Sinon, il y aurait un blanc, une vitre glacée entre le public et moi et ce serait foutu. Alors il faut avoir comme ça, en soi, une espèce de pulsion incontrôlable, un truc à la fois malsain et sublime qui fait qu’il se passe quelque chose. »

- « A part ce nouvel album, tu as d’autres projets ? »  
- « Oui, bien sûr. Un petit coucou, pour une soirée, à l’Olympia en juin. J’espère d’ailleurs y inviter Goldman pour faire quelque chose ensemble. J’adore sa musique. Et puis des amis m’ont demandé de faire la musique de Cyrano de Bergerac pour un spectacle qui sera monté au théâtre de Lyon l’hiver prochain. »

- « On te verra un jour sur une scène toulousaine ? »
- «  J’y compte bien mais il va falloir chercher une salle. Vous n’auriez pas un conservatoire, par hasard ? »

- « Tu vis toujours à Paris ? » 

- «  Je suis vraiment un "mec" de la ville. La campagne, les arbres, les petits oiseaux, c’est pas ma tasse de thé. Alors je vis dans le 17e, tout près du parc Monceau. Un grand appartement ancien avec des pâtisseries au plafond et des cheminées partout. »

- « Quelle est ta pièce préférée ? »
- « Mon salon. Le plus grand. Pour moi tout seul. Avec tous mes objets curieux, mélange de contemporain et d’ancien, mon piano pour le jour, mon bureau, mes livres et mon petit synthé pour travailler la nuit, au casque. A Paris, je me régale. Le matin, j’entends les poubelles, les voitures qui démarrent. C’est bien. Au moins, tu sens que tu vis dans un pays civilisé ! »