Une 36e bougie se plante 
      dans la génoise cervicale du plus attachant «potache» de la 
      chanson française. Pour l’aider à la souffler, nous l’avons 
      flanqué au (court) bouillon. Vous reprendrez bien une part de gâteau ?
 
      
 
      
 
    
     Aussi vrai que deux et deux font quatre, ce Sheller est un sacré 
      zazou. Un épatant. Sa bobine me ferait plus penser à un Tintin au 
      pays des oranges amères qu'à un révérend du nouvel 
      Ordre Moral Américain, d'ailleurs. Tranchons pour un Tarzan dans les mines 
      de Gruyère. Ça, c'est pour l'impression première; celle du 
      primate, la seule valable, anyway. Sheller, avec un prénom pareil (William) 
      ne dépareillerait en rien le rayon primeurs de ma marchande des quatre-saisons, 
      Victorine. D'autant qu'avec son goût immodéré pour le jaune 
      (la couleur), le mimétisme avec la variété de fruit qui partage 
      ce joli prénom est remarquable. Des antécédents historiques 
      contredisent pourtant ce parallèle hardi, préférant rapprocher 
      ce William-ci de William Tell, et donc de la pomme...
      Sheller, vraisemblablement 
      polyglotte, est une figure universelle. Incontestablement, la dégaine en 
      atteste. Tiré à quatre épingles, volontiers chafouin, le 
      personnage louvoie entre la caricature du riche estivant britannique (scandinave 
      ?), armateur ou gentleman farmer, et celle du fils de famille italien, issu de 
      l'intelligentsia viscontienne. Il faut ajouter à la préparation 
      un trait de perversité adolescente, celle du potache assoiffé d'école 
      buissonnière aux heures de bureau, celui-là même qui pianote 
      les standards des Beatles au lieu de faire ses gammes.
 
      
 
      Des 
        étoiles dans la tête
        
        Les jours de grand Sabbat, entre 
      deux coups de téléphone et une grenadine bien frappée, il 
      peut arriver qu'un infernal single des Ramones laisse sa place, sur la platine 
      du conteur, au concerto pour la main gauche de Ravel. Dans la tête de Sheller, 
      le William en question, de telles étincelles de génie éclatent 
      à chaque seconde, et les cérémonies artificielles et pyrotechniques 
      du 14 juillet, sauf le respect, sont alors battues en brèche par tant d'inceste 
      musical. Un type comme Sheller n'a quasiment rien à cirer de la chansonnette 
      qui le trimbale au gré des flots, ainsi qu'un bouchon complaisant. Des Rosanna Banana, il vous en pond à la douzaine, histoire de garder 
      la main et de pouvoir tirer des plans sur la comète en toute quiétude. 
      Et aussi de pouvoir souffler des bougies peinard sur la Côte normande.
      Voilà autre chose. Un truc de somnambule. Ou de funambule. J'ai oublié. 
      On ne sait plus trop bien qui s'est glissé dans la voiture de qui, mais 
      lorsque Willliam Sheller a décoincé sa bulle pour aller la recoincer 
      aux bords de la Manche, l'équipée sauvage de Salut! était 
      du coup. Ça prenait déjà, aux abords du périph’, 
      des airs à la Jacques Tati, dans le style «Les vacances de Monsieur 
      Hulot». Les bronzés partaient cette fois-ci à la plage. Manquaient 
      juste les sandwiches et les ondes longues à bord de la carcasse.
      William 
      Tell avait donc loué une charmante petite chaumière couleur locale 
      «à quelques mètres seulement de la plage», 
      comme disent les prospectus mensongers. N'empêche que si on y va en voiture, 
      à la plage, c'est encore mieux. On a retrouvé là-bas une 
      bonne partie de la famille. Madame Mère, présidant fort aimablement 
      une tablée d'enfants, dont deux sont ceux de Herr Sheller. Une fille, un 
      garçon : ceci pour information. Des cadeaux attendaient, dans l'antichambre 
      ou sous le perron, d'être enfin distribués au talentueux géniteur.
      Nous avons joué au badminton, arpenté la plage à marée 
      basse, mangé des salades estivales sur «les planches» de Deauville, 
      rencontré Carlos (l'inénarrable Nostracarlus fêtait, le même 
      jour que William ses trente-six balais, son je-ne-sais-combientième anniversaire 
      de mariage), visité les curiosités de Cabourg, fait des photos, 
      levé le coude à l'anniversaire de notre héros, remangé, 
      re-levé le coude autour des deux gâteaux d'anniversaire, cette fois 
      à la santé de nos deux héros, et finalement ingurgité, 
      à une heure pour le moins avancée de la nuit, les rituels spaghettis 
      bolognaises indispensables à la ligne de Nostracarlus après sa prestation 
      du Podium Europe 1, en tournée dans la région cette nuit-là. 
      C'est finalement au matin naissant, au «petit gris», que photographe 
      et conteur se sont arrachés à la fiesta-olé, précisément 
      à l'instant où les premières «mesures» de La 
        chenille qui démarre retentissaient atrocement. Le soir même, 
      quelques heures plus tard, donc, il allait falloir assurer à Brixton pour 
      le premier gig de la tournée anglaise du Clash. On aurait bien emmené 
      ce cher William, dans le cerveau duquel des projets de compositions pour grand 
      orchestre luxembourgeois (électrifié parallèlement) trottinent... 
      Le Midem en dira peut-être plus long quant à cette vieille ambition 
      chère à son cœur. Noszigues, faute de grive, mangeons du merle; 
      souhaitons à William de ne pas se rétamer comme l'inepte et très 
      laid Klaus Nomi, dont la «synthèse classico-moderne» a douloureusement 
      mordu la poussière.
      La différence, criante, écarte d'office 
      le danger; Sheller, lui, n'est pas un âne. Il réussira. Il le faut.