OK ! Age tendre N°107
30 janvier au 5 février 1978

Leurs parents les racontent
Cette semaine : la grand-mère de William Sheller
Comment vivaient vos vedettes préférées lorsqu'elles étaient enfants, adolescentes ? Qui mieux que leurs parents pouvait parler de celles ou ceux qui, aujourd'hui, occupent les premières places des hits-parades ? Aussi nous sommes allés les voir afin qu'ils «racontent» leurs enfants aux lectrices de OK ! Cette semaine, c'est une charmante grand-mère, Madame Desbœufs, qui vous fait ses confidences sur son petit-fils : William Sheller.

«Enfant, il était très solitaire»
(par Magda Darlet)

 

Aujourd'hui chez William Sheller, on ne sert pas de hamburger, de hot-dogs au ketchup comme c’est l’habitude dans la maison de Montfort-L’Amaury. Il y a du bœuf bourguignon au menu. On est loin du 4 juillet, date d'anniversaire de l'indépendance des Etats-Unis, que fête chaque année William avec ses nombreux amis. Ceux qui sont présents aujourd'hui autour de la table sont les plus anciens et les plus fidèles : Jean-Pierre Dombois, son attaché de presse, Laurence, qu’il connaît depuis une quinzaine d’années et qui maintenant s’occupe de ses affaires, et Pierre, l’ami de toujours. Et puis, bien sûr, il y a Madame Desbœufs, la grand-mère de William et qui, en fait, a  été «plus qu’une mère» pour lui.
Dans la pièce où nous nous retirons pour parler de William, le sujet qui nous intéresse est tellement passionnant que nous laissons nos cafés refroidir dans les tasses, et le soir tomber doucement sur la campagne environnante. «Oui, c'est moi qui ai élevé William parce que Paulette, ma fille, travaillait dans la journée et que j'avais la chance, moi, de travailler le soir; ainsi je pouvais le garder la journée avec moi et sa mère prenait le relais le soir quand j'allais travailler au Théâtre des Champs-Elysées où j'étais ouvreuse. William était un enfant adorable, tellement doux, tellement gentil, un amour vraiment... Quand il avait cinq-six ans, il venait souvent avec moi au théâtre et surtout les jeudis après-midi quand avaient lieu les «musi­gras». C'était des classes de musique pour écoliers et il y avait, tous les jeudis, trois séances de cours d'une heure. Ainsi William, que j'emmenais parce que je n'avais personne pour le garder, assistait forcément à toutes les séances. Plus tard, je l'accompagnais aux concerts, aux ballets même. Je me souviens du petit bonhomme qu'il était : assis sur les marches tout près de la scène, il regardait, concentré, fasciné tout ce qui s'y passait, ne voulant pas en manquer une miette ! Parfois, il se mettait à taper dans ses mains. Il était vraiment marrant ! Tout le monde le regardait. Je me souviens d'un jour, il devait avoir quatre ou cinq ans... C'était l'entracte et je vendais des esquimaux, bonbons, etc. J'étais au fond de la salle et, tout à coup, j'entendis une petite voix qui venait de devant : «Moi aussi, Mamie, je veux un "squimau" !». C'était mon William ! Toute la salle se mit à rire; c'était tordant ! Après les spectacles, quand nous rentrions à la maison, il se mettait à chanter - il se rappelait très bien les mélodies - à mimer les danses qu'il avait vues et il décrivait les costumes sans oublier le moin­dre détail. Il emmagasinait tout dans sa tête ! C'est comme cela qu'il a pris, si petit, le goût de la musique et du spectacle. D'ailleurs, déjà à l'époque, il composait de petites choses avec une voisine de palier de son âge; il se mettait à la fenêtre - elle à la sienne - et il improvisait des petites scènes pour elle...
Quand il eut l'âge de dix ans, je lui ai offert un petit électrophone. Les disques qu'il voulait alors n'étaient pas ceux qu'apprécient généralement les enfants : il écoutait exclusivement de la musique classique : Beethoven était son compositeur préféré. C'est à cette époque-là qu'il a commencé à prendre des cours au Conservatoire. La musique était devenue sa passion. Nous avons alors fait l'acquisition d'un piano, mais comme nous n'avions pas beaucoup de place chez nous, Cité des Fleurs, nous avons dû déménager pour pouvoir caser le piano ! [Madame Desbœufs rit...]. C'est vrai, nous ne pouvions rien lui refuser, mais vous savez, dit-elle comme pour le couvrir, il n'abusait pas de la situation. La musique, nous nous en rendions bien compte, était une véritable passion chez lui, une vocation. Un jour d'ailleurs, une dame, qui était professeur de piano, vint en visite chez nous, et William s'est mis à jouer devant elle.

Une santé délicate
Quant elle l'entendit, elle nous dit: "Il est très doué, ce petit; il faut absolument lui faire pren­dre des cours particuliers et encourager ses dons". Je rétorquai que cela revenait trop cher, que nos moyens ne nous le permettaient pas. C'est alors qu'elle dit : "Je veux bien lui donner des cours moi-même, et cela gratuitement". Nous n'en revenions pas !  Avec elle, il se perfectionna pendant quelques années. Vers l'âge de treize quatorze ans, nous avons dû mettre William en pension à Rambouillet. En effet, il avait une santé très délicate; il ne mangeait pas beaucoup; il n'a jamais été un gros mangeur d'ailleurs et, aujourd'hui encore, il a un tout petit appétit. Le médecin avait alors prescrit de le mettre à la campagne, au grand air, avec d'autres enfants. Mais William ne se mêlait pas beaucoup aux jeux de ses camarades. Il n'aimait pas les jeux violents - ils lui étaient d'ailleurs interdits, de même que la gymnastique -. A la place des cours de gym, il allait dans la salle de musique; ainsi, pendant toutes les récréations, au lieu de s'amuser avec les petits copains, il faisait de la musique... Dans l'ensemble, il était bon élève; il avait de bons résultats et était très aimé de ses profs. Vous savez, il a toujours été très respectueux, très gentil avec eux, comme avec moi d'ailleurs. Pour moi, quand William est né - j'avais quarante ans -, ça a été comme une seconde vie, c'était pour moi un véritable don du ciel ! ... [On sent une grande émotion dans la voix de Madame Desbœufs]. Car je trouvais chez lui ce que je n'avais pas trouvé chez ma fille - sa mère - qui a toujours été d'une nature plutôt froide et pas très affectueuse. William, lui, est tout le contraire. Très affectueux et très tendre; et pourtant, il n'est pas du tout démonstratif. Je me souviens que, lorsqu'il était petit, les soirs où j'allais travailler, il me disait: "Tu es de garde, Mamie, ma pauvre Mamie "... Et quand je rentrais, vers minuit, une heure du matin, il ne dormait pas encore. Il m'attendait… Ce n'est que lorsqu'il voyait que j'étais rentrée qu'il s'endormait... Je vous disais qu'il n'était pas démonstratif, mais ce n'est pas tout à fait cela. Ce n'est qu'à partir de l'âge de sept ans (Quand il s'est senti un petit homme !), qu'il a commencé à cacher ses sentiments et à ne pas se laisser aller à montrer son affection. Je me rappelle en effet l'année de ses six ans où il était avec ses parents aux Etats-Unis. Pour moi, c'était terrible cette séparation... A chaque fois qu'il partait, c'était épouvantable, je pleurais tout le temps ! Un jour, je reçus une lettre de ma fille qui m'écrivait: "Hier soir, j'ai trouvé William qui pleurait, couché sur ta photo. Quand je lui ai demandé ce qui n'allait pas, il m'a  dit : Je pleure ma Mamie". J'étais tellement émue, vous ne pouvez pas imaginer... Mais c'est vrai qu'à partir de l'âge de sept ans, il a beaucoup changé: il ne se confiait plus, il ne parlait pas beaucoup. Lorsque je lui demandais s'il s'était bien amusé quelque part, il me répondait : "Oui, je me suis bien amusé".

Il n’a pas changé
Et c'est tout. Il ne commentait pas. Et puis un beau jour, sans qu'on lui demande rien, il se mettait à parler de lui-même. En fait, ce qu'il ne veut pas, c'est qu'on lui pose des questions; il veut parler s'il l'a décidé; pas autrement. Le connaissant, je ne demandais rien et j'attendais qu'il me raconte, quand il en avait envie. Remarquez que, de ce point de vue-là, il n'a pas changé. Il est toujours aussi peu bavard et ne s' extériorise pas du tout. Comme je vous l'ai déjà dit, tout petit, il était très solitaire, ne se mêlant pas beaucoup aux autres enfants. Il pouvait passer des heures à jouer seul; il aimait beaucoup faire de la pâtisserie par exemple, mais les marionnettes étaient sa distraction préférée. D'ailleurs, quand il avait une douzaine d'années, il allait tous les jeudis après-midi donner des représentations de marionnettes aux enfants du patronage. Il prenait son rôle très au sérieux, vous savez. Comme tout le reste d'ailleurs. Dès son plus jeune âge, quand on lui demandait ce qu'il allait faire plus tard, il disait: "Je ferai de la musique. Je veux composer, je veux faire le Conservatoire et aller jusqu'au Prix de Rome"... A dix-sept ans d'ailleurs, il nous a annoncé qu'il ne voulait plus aller en classe et qu’il allait désormais se consacrer exclusivement à la musique. Eh bien, c'est ce qu'il a fait. Comment pouvions-nous aller à l'encontre de cela ! La musique a toujours été sa vocation et même si j'y ai toujours cru, cela me faisait un peu peur. Ce sont quand même des métiers marginaux...
Mais heureusement, aujourd'hui William a une vie bien organisée et équilibrée, et je suis très heureuse car je vis, ici, avec lui. Bien sûr, ce n'est pas toujours de tout repos, avec tout le monde qui défile en permanence. Mais au moins, cela me permet de continuer de voir et de m'occuper de mon petit... comme avant.»